Enseignant-e volontaire dans une école de Montpellier : témoignage

jeudi 2 avril 2020
par  Sud éduc 34

Communiqué de SUD éducation 34

Jeudi 2 avril 2020

Ecoles fermées, population en grande partie confinée. Je pense à celles et ceux qui doivent poursuivre leur activité, et aux soignant-es qui feront au mieux des moyens dont ils et elles disposent pour nous permettre de traverser cette crise sanitaire.

Je décide de me porter volontaire pour accueillir leurs enfants à l’école, afin de les soulager temporairement de cette responsabilité. Je ne suis pas une personne vulnérable, je suis seul-e chez moi, ou pas : j’ai un-e conjoint-e, des enfants, que je vais mettre en danger en allant au contact d’autres personnes… Je veux quand même aider, être solidaire. Je me désigne auprès de mon IEN, qui enregistre mes coordonnées et me remercie grandement pour mon engagement.

Puis rien. Plusieurs jours, semaines passent sans aucune nouvelle. L’Éducation Nationale ne veut pas « griller » toutes ses réserves tout de suite, et garde des volontaires pour plus tard.
Troisième semaine de confinement qui débute ; ça y est : me voilà sollicité-e.

Organisation

On me demande de confirmer mon engagement, mes coordonnées. On me transmet une attestation de déplacement (pas un ordre de mission) et un planning deux à trois jours avant : j’interviendrai deux demi-journées dans la semaine, avec un-e collègue sur place, et un autre réserviste (reste chez lui et attend qu’on l’appelle ? Vient à l’école et intervient seulement si besoin ?). D’après le listing de l’EN, il y aura deux élèves, de même niveau, à garder.

Et c’est tout. Pas de consigne, ni même de conseil pour évoluer auprès des enfants pendant ce temps d’accueil. Pas d’information sur les locaux, l’équipement disponible pour travailler… On me laisse juge de ce que je peux / dois faire ; je vais donc faire au mieux en m’adaptant aux réalités du terrain : comme d’habitude.

Je me rends à l’école pour 8h20. A mon arrivée je rencontre quatre animateurs mairie, et une ATSEM (elles devaient être deux) à qui l’on a imposé une permanence d’une semaine complète. Les élèves ne sont finalement pas deux mais sept, de la maternelle au CM2. Les animateurs mairie ne sont pas plus étonnés, ils semblent disposer d’une autre liste d’inscription.

Conditions sanitaires et personnel municipal

Les agents de mairie ont des masques (pas neufs), des gants. Ils nettoient régulièrement les parties utilisées (rampe d’escalier, chaises, tables, salles). Les salles sont aérées régulièrement. Il y a du savon dans les toilettes, et du gel hydroalcoolique dans la salle des maîtres. Ce sont eux qui me donnent une paire de gants.

La responsable mairie et les animateurs sont là pour toute la semaine. Ils ouvrent l’école avec nous le matin pour accueillir les élèves de 8h20 à 9h, ils s’occupent des élèves pendant la pause méridienne (faire chauffer les gamelles individuelles dans les micro-ondes de la salle des maîtres, manger dans la cantine), ils gèrent le temps de sortie après 16h30. Ils font également la liaison entre les équipes enseignantes du matin, et celles de l’après-midi. Et recommencent le lendemain, puisque ce sont de nouvelles équipes enseignantes qui arrivent.

J’ai apporté un masque en tissu, fabriqué par mes soins, mais que faire : le garder sur moi au risque d’angoisser les enfants ? L’enlever et leur demander de s’éloigner de moi ? Je ne sais pas. Comment ne pas donner la main à l’élève de 4 ans qui a du mal à monter les escaliers de l’école élémentaire ?

Cadre pédagogique

Je ne sais pas dans quelle salle me rendre, on m’indique deux petites salles de repli dans lesquelles on ne peut pas respecter les gestes barrière si l’on reste tous ensemble. D’ailleurs : devons-nous rester ensemble, ou bien faire deux groupes ?

Certains élèves ont une pochette de travail, mais sont complètement désorganisés. Pas d’ordinateur disponible pour effectuer le travail laissé par leurs enseignant-es sur l’ENT. J’envisage donc d’imprimer quelques fiches, mais ignore les codes de la photocopieuse… Les élèves que je garde, qui sont mieux informés que moi, m’indiquent que les maitres de l’école ont laissé leurs codes dans la salle des maîtres. Ouf !

Je constate avec tristesse que les élèves sont déstructurés, sans cadre, sans routine. Ils sont survoltés. À la fin de la journée ils auront fréquenté une dizaine d’adultes inconnus, et une partie d’entre eux changera chaque jour.

La période est stressante pour tous, et ces enfants dont les parents ont un métier qui devient source d’angoisse sont mis dans l’impossibilité de construire un cadre un tant soit peu sécurisant, et de repenser un minimum aux apprentissages.

L’urgence est avant tout sanitaire, et avant de parler d’apprentissages ou de « continuité pédagogique » pour les élèves, ne faudrait-il pas d’abord considérer les inquiétudes des enfants ?

Enseignant-e volontaire dans une école de Montpellier : témoignage 2 avril 2020