Paul-Valéry : Face à l’urgence sanitaire, neutralisons le second semestre d’enseignement

vendredi 10 avril 2020
par  Sud éduc 34

Communiqué de Solidaires Etudiant-e-s Montpellier et SUD Education UPV

Vers l’université numérique, à marche forcée

La crise sanitaire que nous vivons semble être, dans le secteur de l’Enseignement supérieur et de la recherche, l’occasion d’une marche forcée vers l’université numérique : télétravail, cours en ligne, passation des évaluations en distanciel.

Cette marche forcée ignore les difficultés que les étudiant-e-s et personnels de l’université peuvent rencontrer dans leurs vies en cette période, et leur incompatibilité avec la poursuite des études et du travail. Elle a pour effet d’accroître les inquiétudes et de semer le chaos dans l’organisation du travail et des études : craintes étudiantes d’un décrochage par rapport aux enseignements qui se poursuivent en ligne, stress accru des personnels sommé-e-s de faire remonter des MCC alternatives dans les plus brefs délais alors qu’il faut prendre soin de soi, mettre en place des modalités de garde et de scolarisation des enfants et de prise en charge des aîné-e-s vulnérables, ou tout simplement prendre la mesure de la situation à laquelle nous faisons face. À Rennes 2, une enquête de grande ampleur sur les conditions de vie et d’études pendant le confinement a mis en évidence un ensemble de difficultés financières, pratiques et scolaires rencontrées par les étudiant-e-s.

Alors que la situation est exceptionnelle, que plusieurs milliards de personnes sont confinées, que l’état d’urgence a été décrété dans la plupart des pays du monde et que s’annonce la pire crise sociale et économique des 75 dernières années, tout semble guidé par la volonté de maintenir l’activité de notre université dans les rails d’une année ordinaire. Alors que l’urgence sanitaire devient plus visible chaque jour, la conservation du calendrier universitaire – même amendé à la marge – et la poursuite des activités pédagogiques apparaissent de plus en plus absurdes.

Les évaluations à distance, pour quoi faire ?

La fermeture du campus va se poursuivre pendant de nombreuses semaines et les évaluations ne pourront pas se tenir en présentiel dans les conditions et le calendrier prévus. Leur passation à distance ne nous semble pas une solution satisfaisante. Elle n’acte pas l’impossibilité de continuer à fonctionner comme si de rien n’était. Elle nous semble par ailleurs problématique à plusieurs égards.

Les évaluations à distance ne sont pas la simple transposition électronique ou postale – sans effort et sans heurt – des évaluations prévues en présentiel, comme l’expérience du printemps 2018 nous l’a enseigné et comme la direction de l’université le reconnaît en préconisant une évolution des formats des évaluations par rapport aux MCC originelles. La transformation des évaluations originellement prévues en présentiel implique un travail considérable pour les services administratifs et techniques de l’université, ainsi que pour les enseignant-e-s concerné-e-s, avec des inégalités très fortes entre les filières qui pratiquent déjà l’enseignement et l’évaluation à distance et celles où tout est à faire. Les évaluations à distance impliquent donc une surcharge de travail et une dégradation des conditions d’exercice du métier pour une large majorité des enseignant-e-s au moment même où le pays est percuté par la crise sanitaire.

Du côté des étudiant-e-s, l’évolution des MCC pour les rendre compatibles avec la passation des évaluations en ligne peut modifier sensiblement les attendus présentés aux étudiant-e-s en début de semestre, et donc être source d’inquiétude. La passation d’évaluations à distance peut sembler aller de soi à des enseignant-e-s qui passent un temps considérable à effectuer des tâches à distance ; il n’en va absolument pas de même pour des étudiant-e-s dont l’accès aux moyens informatiques et la possession et maîtrise des outils électroniques sont très inégaux, quels que soient les discours faciles sur la dépendance aux écrans des nouvelles générations.

Pourquoi, dans ces conditions, s’obstiner à mettre en place des évaluations à distance qui sont dégradantes pour nos formations, dont l’organisation met en souffrance personnels et étudiant-e-s, enfin qui donnent le sentiment d’une université réduite à sa fonction de délivrance de diplôme ? Partout en France, étudiant-e-s et personnels des établissements supérieurs s’alarment du jusqu’au-boutisme des présidences d’université auxquelles le Ministère a délégué la tâche ingrate d’imposer des évaluations à distance. Nous appelons à signer massivement les pétitions contre les évaluations à distance initiées par les personnels de l’Université Paris Ouest Nanterre, par le collectif des Facs et Labos en Lutte et par des étudiant-e-s de l’Université de Strasbourg.

Rétablir les priorités et neutraliser le second semestre

Pour éviter d’infliger à notre communauté des évaluations à distance, une première solution réside dans le report des enseignements et des évaluations, et un décalage concomitant du calendrier universitaire, de manière à affirmer la valeur accordée à l’enseignement en présentiel et à la pédagogie propre à l’enseignement supérieur – irréductible à une transmission électronique de connaissances. Le décalage de l’ensemble des enseignements et des évaluations, envisageable dans le cadre d’une fermeture temporaire et délimitée dans le temps de l’université, semble plus difficile dans le contexte actuel d’épidémie qui ne permet pas d’anticiper une réouverture prochaine de l’université.

Dans ces conditions, nous demandons la neutralisation du second semestre, c’est-à-dire le report des notes du premier semestre en lieu et place des notes du second semestre. Neutraliser le second semestre, c’est acter que le semestre ne s’est pas déroulé dans les conditions souhaitées, et que ce n’est aucunement du fait des personnels et des étudiant-e-s de notre université, mais bien d’éléments extérieurs à notre volonté. Neutraliser le second semestre, c’est aussi et surtout rétablir la priorité qui doit être celle du moment, à savoir le soin des personnes et la préservation de leur santé physique et psychique.

La neutralisation a déjà été actée pour certains enseignements, aussi la neutralisation du semestre constituerait une mesure d’égalité entre étudiant-e-s, enseignant-e-s et gestionnaires des différents enseignements et formations. Des évaluations s’étant déjà tenues dans des ECUE en cours de semestre, il semble légitime que les étudiant-e-s puissent choisir entre la neutralisation et la conservation des notes obtenues. Nous demandons donc la neutralisation du second semestre de l’année universitaire 2019-2020, avec possibilité pour les étudiant-e-s de conserver les notes obtenues dans les ECUE où il y a déjà eu évaluation.

Communiqué à retrouver sur le site et sur la page FB de Solidaires Etudiant-e-s Montpellier.


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