Nos vies, pas leurs profits : ce que l’école n’est pas

mardi 21 avril 2020
par  Sud éduc 34

Communiqué de SUD éducation 34

Accablé-es de communication présidentielle, ministérielle, ou technocratique, soyons clair-es : depuis le début de la crise sanitaire le gouvernement est nul, et sa communication est à son image.
Développant une thématique tantôt martiale (Macron), tantôt pleine du lyrisme des jours heureux à venir (Macron) et d’un nouveau capitalisme plus respectueux et moins inégalitaire (Le Maire), ou encore dans l’exposé soporifique de données censées nous faire comprendre qu’il a bien travaillé (Philippe le 19 avril)…
En réalité rien ne change, et tout le monde le constate, citoyen-nes comme médias. En voici deux exemples :

Recherche du profit, quel qu’en soit le coût

Le gouvernement continue d’enchaîner les déclarations ridicules et mensongères, simplement pour ne pas admettre avoir fondé sa « doctrine » sur la pénurie de tout : masques, protections, tests, principes actifs...
→ Le new management public, c’est l’idéologie de rentabilité et de réduction des coûts dans les services publics mise en œuvre depuis des années, et ce gouvernement en est le meilleur représentant. Aujourd’hui nous payons cette méthode de gestion des ressources humaines et du service public cruellement, faute de pouvoir accueillir et soigner correctement tou-tes les malades. Nous la payons par des morts.
→ La délocalisation à l’étranger, la fermeture d’entreprises françaises pourtant viables par des actionnaires recherchant plus de profit : c’est le capitalisme défendu par les économistes au pouvoir depuis des décennies. Aujourd’hui nous payons cette idéologie cruellement, faute de pouvoir produire sur place les éléments nécessaires à la protection contre le virus. Nous la payons par des morts.

Préserver l’économie actuelle, quel qu’en soit le coût

Le gouvernement continue de développer des plans de sauvegarde de l’économie, au lieu de réfléchir à une réorientation forte, voire une refondation complète du système économique…
→ Le deuxième projet de loi rectificative du budget (PLR-2) voté cette semaine accorde 20 milliards, sans aucune contrepartie aux plus grandes entreprises françaises. Le gouvernement et les député-es de la majorité n’ont pas estimé judicieux de questionner ces entreprises sur leur responsabilité sociale et environnementale, ni de conditionner cette aide à un changement de comportement. Beaucoup de ces entreprises sont liées aux énergies brunes : fossiles, carbonées, polluantes. Faut-il à tout prix sauvegarder les emplois de ces secteurs ? Ne peut-on pas profiter du moment pour engager un plan massif de formation des salarié-es et de reconversion vers des secteurs à développer : énergies renouvelables, modes de transports doux, économie circulaire et locale... ?

La doctrine néolibérale nous a conduit à cette crise sanitaire, qui sera suivie par les crises économique et sociale. Les modalités de l’autre monde (plus solidaire, plus équitable, plus humain, plus connecté à notre environnement) n’existent pas dans le logiciel de Macron et des technocrates de la startup nation. Pour preuve : la mise à pied d’un inspecteur du travail alors qu’il tentait de protéger des salarié-es ; la volonté de nationaliser les plus grandes entreprises, mais pas les plus utiles...

En clair, le gouvernement décide de « suspendre l’économie » comme il peut, en attendant que la croissance, la consommation, la concurrence repartent comme avant. Sa communication, c’est du vent : les faits sont là.

Maintenant, pour parler du service public de l’Éducation Nationale, nous allons vous dire ce que, d’après SUD éducation, l’école n’est pas.

L’école n’est pas la garderie du MEDEF

Dans un exercice très solitaire du pouvoir, seulement guidé par les patrons qui lui murmurent à l’oreille, Macron a surpris tout le monde, y compris les membres de son gouvernement, en annonçant la réouverture prochaine des écoles et établissements. Sans jamais assumer les mots qui traduiraient explicitement sa pensée, Macron prétend ainsi lutter contre les inégalités. Il n’assume pas de dire que pour lui l’économie prime sur la santé, et qu’il faut remettre au plus vite les parents au travail, en les libérant de la charge de leurs enfants les moins autonomes.

L’école n’est pas le centre de formation du MEDEF

N’en déplaise à tous les tenants des études courtes, « les plus adaptées au bassin local de l’emploi », n’en déplaise à tous les tenants d’une sélection accrue pour accéder aux études supérieures, excluant par de nombreux biais les classes populaires, l’école poursuit un autre objectif, bien plus important : la formation de citoyen-nes libres et éclairé-es, capables d’esprit critique.
→ Cela ne se chiffre pas, cela ne se rentabilise pas en monnaie sonnante et trébuchante : le « retour sur investissement » se fait par la capacité des citoyen-nes à s’emparer des problématiques de la société, et à proposer des solutions qui mériteraient bien souvent d’être prises en compte car bien plus connectées à l’intérêt collectif et à l’environnement.

L’école n’est pas un terrain d’expérimentation scientifique

La pression sur le service hospitalier baisse un peu :
- parce que les personnels hospitaliers ont assumé une incroyable charge de travail
- parce que nous avons suivi un confinement fort pendant plusieurs semaines.

Remettre des élèves et du personnel dans les écoles et établissements alors que d’après l’aveu même du gouvernement, nous n’avons « pas d’immunité de groupe, pas de vaccin, pas de traitement » : c’est irresponsable. Sans tests, ni masques, ni protections en nombre suffisant, nous ajouterons que c’est de la mise en danger délibérée, et que c’est criminel.

→ Les lieux de promiscuité restent fermés (cinémas, restaurants, bars, musées…), mais les salles de classe vont rouvrir (12 à 35 élèves par classe). C’est la traduction évidente d’une politique qui veut débarrasser les travailleurs et travailleuses de leurs enfants pour relancer l’économie. Au détriment de la santé de toutes et tous.

SUD éducation exige :

→ des équipements de protection en nombre suffisant pour les personnels et les élèves susceptibles de se rendre dans les écoles et établissements.
→ une médecine de prévention conséquente pour accompagner et protéger les personnels.
→ une médecine scolaire conséquente pour accompagner et protéger les élèves et leurs familles.
→ un investissement massif pour accompagner la difficulté et le handicap à l’école : maintien et renforcement des RASED, titularisation et revalorisation des AESH qui exercent un métier indispensable et pourtant si peu reconnu.

Nous proposons de créer des emplois pérennes et utiles pour la construction d’une société plus juste et plus solidaire.

Le pays entier vient de constater, dans une expérience pratique et très concrète, que quand les écoles sont fermées, l’économie est extrêmement perturbée.
Les personnels de l’EN et de l’ESR savent désormais qu’en cas de grève massive, le rapport de forces peut être colossal en notre faveur. Il ne tient qu’à nous de lutter pour pour de meilleures conditions de travail, et un meilleur service public.

Nous en avons le pouvoir.

Nos vies, pas leurs profits : ce que l’école n’est pas