Lettre ouverte aux élu-es de notre territoire

vendredi 8 mai 2020
par  Sud éduc 34

Communication de la section locale Saint Pons-Minervois de SUD éducation

Mesdames les mairesses, Messieurs les maires,
Mesdames les Conseillères Municipales, Messieurs les Conseillers Municipaux,

A quelques jours de la réouverture de certains établissements scolaires, notre section locale Sud Education St Pons / Minervois voudrait attirer votre attention sur certains points qui nous interpellent.

Nous savons les moyens que vous déployez actuellement pour pouvoir appliquer le protocole sanitaire dont vous avez été destinataires et qui doit aboutir à la réouverture des écoles en toute sécurité.
Si l’organisation de vos services et l’investissement financier sont capitaux dans la mise en place de ce protocole (achat de masques de protection pour le personnel municipal, de gel hydroalcoolique, de produits d’entretien spéciaux...), nous attirons votre attention sur le fait qu’ils ne garantiront pas, à eux seuls, son efficacité.

En effet, les conditions matérielles auront beau être toutes réunies, il n’en reste pas moins que ce sont des enfants, et parfois de très jeunes enfants, à qui l’on demandera de respecter des règles d’hygiène et de distanciation sociale très strictes.
Ce n’est pas parce que les tables seront séparées d’un mètre que les élèves y resteront assis toute une journée sans bouger et sans s’approcher les uns des autres.
Ce n’est pas parce que ces derniers se laveront les mains avant d’entrer en classe qu’ils ne mettront pas leurs doigts à la bouche sitôt le seuil de la porte franchi.

Il en va de la responsabilité de chacun d’avoir conscience que le risque zéro n’existera pas, et que le protocole, tel qu’il nous est proposé, ne protégera qu’imparfaitement les enfants et les adultes.

Quand bien même toutes les règles sanitaires parviendraient-elles à être strictement appliquées, nous nous interrogeons également sur l’impact psychologique que celles-ci auraient sur les élèves ainsi que sur les adultes travaillant dans les établissements scolaires.

Ne sera-t-il pas anxiogène, pour un enfant, d’évoluer dans un espace où il sait que le moindre écart de conduite de sa part peut devenir dangereux pour les autres et pour lui-même ?
Comment réagira-t-il lorsqu’il verra que les adultes qui l’entourent, si bienveillants en temps normal, n’entreront plus en contact avec lui pour l’aider, l’encourager, le consoler si besoin ?
Ne sera-t-il pas frustrant pour les enseignant·e·s de ne pas pouvoir appliquer les gestes professionnels et pédagogiques auxquels ils·elles sont formé·e·s et qui participent à la réussite des élèves (s’asseoir à côté d’un élève pour l’aider à réaliser un exercice, jouer avec lui afin de rendre ludiques les apprentissages...) ?
Comment évoluer sereinement quand pèsent sur nous des enjeux sanitaires aussi importants, et pour lesquels nous n’avons pas, ou peu, été préparés ?

Après sept semaines de confinement, les enfants sont en manque de liens sociaux, tout comme l’ensemble de la population. Le retour à l’école devrait être synonyme de retrouvailles.
Or leur rentrée à partir du 12 mai ne sera pas un retour à la normale, aux jeux partagés et aux discussions amicales...

Ce sera plutôt une forme de "régiment scolaire", où, en rang, espacés d’un mètre, ils entreront dans une classe en partie vide, resteront assis plusieurs heures, ne pourront partager aucune activité, même en récréation ou à l’accueil. Enfermés dans une cage invisible...
Pendant ce temps, d’autres élèves resteront au domicile, mais ne bénéficieront plus que d’un enseignement à distance réduit au maximum, ou même supprimé si leur enseignant·e est à temps complet en "classe".
Les enseignant·e·s, de plus, ne sont pas formés pour répondre aux nécessités de la situation, ni sur le plan sanitaire, ni sur le plan psychologique. Les inquiétudes grandissent chez ces professionnels impliqués, qui, chaque jour, reçoivent de leurs services des injonctions contradictoires, paradoxales ou irréalistes.

Il nous semble que les choses se font dans la précipitation et que les enfants seront les premiers à en pâtir. Nous connaissons les différents enjeux qui reposent sur la réouverture des écoles, mais plutôt que la rentrée du 11 mai, c’est celle de septembre sur laquelle nous devrions selon nous concentrer nos efforts actuels et commencer à réfléchir.

En effet, que d’énergie et de moyens dépensés aujourd’hui pour quelques semaines d’école et quelques élèves seulement !

Si aujourd’hui seuls quelques élèves feront leur retour à l’école, en septembre ce sera le cas pour tous les enfants, et y serons-nous préparés en termes de réalités matérielles (superficie des salles de classes et des extérieurs, sanitaires...), de nombre d’adultes suffisant (enseignants, AESH, ATSEM, médecins scolaires, psychologue, RASED, personnel municipal...) ?

Tout laisse à penser que les questions que nous nous posons aujourd’hui seront encore d’actualité dans quelques mois. Aussi nous avons besoin de réfléchir dès à présent à des solutions à long terme, pas à des arrangements au cas par cas dont les maires et les directeurs d’école porteront la responsabilité, si ce n’est juridique, au moins morale.

Au vu de ces éléments, et dans l’intérêt premier des enfants, la section locale Sud Education St Pons / Minervois soutiendra toute action qui irait dans le sens d’un report de la réouverture des écoles le 11 mai, ou qui annulerait une ouverture suite au constat de l’impossible application des mesures sanitaires.

Connaissant votre implication au plus près du terrain et votre attachement au service public d’Éducation, nous vous remercions pour votre écoute et vous prions d’agréer nos salutations respectueuses.

A Aigues-Vives, le 7 mai 2020

Lettre ouverte aux élu-es de notre territoire

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