Réouverture des écoles dans la précipitation : SUD Education 34 dénonce le mépris à l’égard des personnels, des élèves et des parents

mardi 26 mai 2020
par  Sud éduc 34

Du côté des parents

L’annonce de la réouverture des écoles maternelles et élémentaires à partir du 11 mai sur la base du « volontariat » des parents n’a pas été sans conséquences. Cela constitue un aveu de la dangerosité de la réouverture des écoles et fait porter aux familles le poids de la responsabilité d’exposer leurs propres enfants au virus.

Quel choix cornélien que d’avoir à peser le pour et le contre entre une reprise à « haut risque » dans des conditions aux contours extrêmement flous et une prolongation de la garde des enfants au domicile les privant de la possibilité de se sociabiliser avec des enfants de leur âge après deux mois de confinement. Quelle difficulté de faire ce choix quand une incroyable cacophonie fait office de discours politique sur ce sujet et que l’organisation pratique de cette reprise est laissée aux collectivités territoriales et aux équipes locales, entraînant de fait de grandes disparités d’un territoire à un autre – certaines mairies faisant d’ailleurs le choix de ne pas rouvrir les écoles du tout – mais aussi d’une école à l’autre.

À partir du 1er juin, les parents qui pourront faire le choix de ne pas envoyer leurs enfants à l’école seront ceux qui ne sont pas salariés, et ceux dont l’employeur accepte qu’ils jonglent entre télétravail et garde de leurs enfants. Une situation inégalitaire va s’instaurer une fois de plus au détriment des classes populaires, où la nature et la précarité des emplois de bien des parents ne leur permettra pas de s’épargner une mise en danger en gardant leurs enfants à la maison.

Du coté des enfants

Le ministère de l’Education Nationale cherche à rassurer l’opinion publique avec un protocole sanitaire, dévoilé début mai, dont il fait la promotion à travers une communication médiatique considérable.

Si le ministre Blanquer justifie la réouverture par un objectif pédagogique, le contenu du protocole sanitaire contredit cette affirmation. Les injonctions hiérarchiques de ne pas dispenser d’apprentissages prouvent d’ailleurs l’absurdité d’une telle annonce, tandis qu’aucune consigne n’a été donnée pour organiser spécifiquement une prise en charge des élèves les plus en difficulté avec le confinement. Cela va sans dire : la précipitation de cette réouverture n’a rien de pédagogique.

L’application stricte du protocole sanitaire impose que les enfants restent assis, ne se déplacent que très peu dans l’établissement et ne manipulent pas le matériel pédagogique. Les activités sportives et les récréations doivent se dérouler sans matériel. Les personnels devant respecter les mesures de distanciation physique se retrouvent contraint à un enseignement frontal. Or, ce type d’enseignement est impossible avec les petits, et il est une aberration pédagogique avec les plus grands. Ce protocole semble avoir été pensé pour une école imaginaire accueillant des élèves tout aussi imaginaires.

Dans ce contexte, la question de la souffrance des enfants doit légitimement se poser, et la communication gouvernementale axée sur le sanitaire fait fondamentalement l’impasse sur ce point.

La vigilance continue au respect des gestes barrières et de la distanciation physique soumet les enfants à une pression constante très anxiogène. Il est regrettable que rien n’ait été pensé en amont de cette reprise pour préparer l’accueil des élèves dans ces conditions particulières afin de préserver leur santé physique et mentale.

Du côté des personnels

L’annonce de la réouverture des écoles s’est faite sans les personnels de l’éducation qui n’ont pas été consulté-e-s par rapport à cette reprise, et qui sont soumis à une pression importante pour la mettre en œuvre

Le dévoilement de ce protocole n’a laissé que dix jours aux équipes pédagogiques pour préparer une reprise tentant de garantir la protection sanitaire. L’organisation concrète dont la charge retombe sur les personnels les contraint à endosser des responsabilités conséquentes auprès des familles, des élèves mais également vis à vis de leurs proches.

Dans ce contexte, les directeurs et directrices d’école sont amené-e-s, comme depuis le début du confinement, à exercer des missions qui ne relèvent pas de leurs attributions et à fournir une charge de travail qui dépasse largement leurs heures de service. Ces personnels sont contraints à des délais de réponse restreints face à chaque nouvelle injonction les soumettant à une forte pression. De même, les équipes dans leur ensemble doivent sans cesse s’adapter à des consignes contradictoires, engendrant un stress non négligeable et une souffrance au travail dans un contexte déjà largement anxiogène.

La reprise de l’école en présentiel se fait fréquemment au mépris des efforts déployés par les personnels pour garder un lien avec les familles et les élèves pendant toute la période du confinement. Les équipes sont incitées à privilégier le travail en présentiel, quel que soit le nombre d’élèves revenant effectivement à l’école et sans aucune considération pour les effectifs restant à domicile qui risquent de se voir priver de l’enseignement à distance pour lequel les enseignant-e-s ont fourni un travail considérable pendant des semaines avec leurs outils personnels.

Cette nouvelle injonction est incompréhensible pour les collègues qui ont établi un réel lien de confiance avec les familles qui, sur « la base du volontariat », ont fait le choix de ne pas remettre leurs enfants à l’école. Pour les enseignant-e-s qui sont au plus près des familles, ces nouvelles directives apparaissent contradictoires avec les incitations, en vigueur le reste de l’année, à travailler conjointement avec les familles.

Le Ministre est responsable des risques sanitaires mais également psycho-sociaux qu’il fait courir aux familles, aux élèves et aux personnels. Nous constatons que la prise en compte de ces risques psycho-sociaux, dans une période particulièrement anxiogène, et après deux mois de confinement qui a mis à rude épreuve de nombreuses personnes, n’a n’est pas été un axe de réflexion pour notre employeur.

SUD éducation revendique :

— la suspension de la réouverture généralisée des écoles. L’accueil doit être limité aux personnels des services publics indispensables et aux enfants pour lesquels les équipes estiment vraiment nécessaire un contact avec l’école.

— l’application du principe de précaution en cas de suspicion de Covid-19 : fermeture de l’établissement et isolement des personnes en contact dans l’attente du résultat du test ;

— une prise en compte des risques psycho-sociaux auxquels s’exposent personnels et usagers de l’école en cette reprise particulière qui fait suite à deux mois de confinement.

—  de préparer d’ores et déjà la rentrée prochaine, par un grand plan d’urgence pour l’éducation : recruter massivement du personnel (enseignant-e-s, RASED, psychologues scolaires, AESH, AED…), accompagner les collectivités pour aménager les locaux et les aider à recruter du personnel d’entretien, repenser les programmes, développer enfin la médecine de prévention pour les personnels et la médecine scolaire pour les usager-e-s…

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