Du chaos sanitaire à la casse des services publics : stop à ce gouvernement dangereux !

lundi 8 juin 2020
par  Sud éduc 34

Article de SUD éducation 34
8 juin 2020

Depuis des semaines, la fédération SUD éducation propose et revendique un plan d’urgence pour l’éducation, afin de renforcer au plus vite l’accompagnement des élèves tout en œuvrant enfin à une véritable réduction des inégalités perpétuées par notre système éducatif. Le ministre n’a toujours pas relevé la proposition, ni même fait mine de s’y intéresser. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne se passe rien dans l’Éducation Nationale. Bien au contraire...

Du chaos sanitaire à la casse des services publics : stop à ce gouvernement dangereux !

Le démantèlement des services publics de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur

Poursuivant dans son idéologie très droitière et réactionnaire, le gouvernement profite du chaos généré par la situation sanitaire et par ses décisions contradictoires pour amplifier le démantèlement des services publics de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur, en attaquant à la fois l’organisation des apprentissages et les personnels.
Détaillons, de façon non exhaustive, les attaques en cours :

L’enseignement à distance

Nous l’évoquions dans un article précédent : face à l’urgence et l’impréparation des ministères, les enseignant-es ont transgressé eux-mêmes le cadre règlementaire pour construire pendant la durée du confinement un lien pédagogique à distance.
Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal s’engouffrent dans la brèche et s’activent déjà pour pérenniser l’enseignement à distance, talonné-es de près par des parlementaires bien loin des réalités (proposition de loi de la députée LR Frédérique Meunier).
Dans une communication médiatique aux accents « d’école numérique, de bilan positif, de modernisation », les ministres de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche préparent un cadre règlementaire pour que l’année prochaine connaisse aussi l’enseignement à distance massif. Ce qui, selon certains IEN, devait n’être qu’un « pis-aller », est érigé par le gouvernement en aubaine pour la réduction de postes, l’économie de bâtiments.

Les personnels de l’EN et de l’ESR ont sauvé les meubles en ne comptant pas leur temps, en investissant leur matériel personnel ; et le gouvernement y voit l’opportunité d’une réduction des coûts et des effectifs. Comme toujours.

La territorialisation de l’école : le dispositif 2S2C

Sport, Santé, Culture et Civisme. Envisagé dans un premier temps comme l’une des quatre possibilités de reprendre le chemin de l’école (classe en présentiel, classe en distanciel, étude, activités sportives et culturelles) au moment du déconfinement, le ministre Blanquer ambitionne désormais de refonder l’école sur la base du dispositif 2S2C.

Le ministre du service public de l’Éducation Nationale considère que les collectivités territoriales peuvent prendre en charge tous ces domaines, et leur glisse un petit billet pour cela (110€ pour chaque groupe de 15 enfants constitué). Ce ministre fait le choix, unilatéralement, sans aucune concertation et à l’encontre des programmes et missions de l’Éducation Nationale, d’exclure ces domaines d’apprentissage de l’école, considérant de fait qu’ils ne sont pas fondamentaux et ne méritent pas le cadre égalitaire national du service public.

Cela n’est pas sans conséquence. Sud éducation comme de nombreux acteurs de l’éducation (voir l’appel de Brest du 4 juin 2020) ont déjà dénoncé les effets de cette annonce :

→ les communes riches auront des 2S2C solides et épanouissants, les communes pauvres non. L’expérience a déjà été faite avec les TAP (temps d’activités périscolaires). Le ministre de l’Éducation Nationale contrevient à sa mission, et ment en prétendant lutter contre les inégalités : il les aggrave délibérément.

→ ces domaines d’apprentissage (sport, culture, arts, citoyenneté) doivent impérativement rester dans les missions et les pratiques scolaires. Ils participent, au même titre que les apprentissages dits fondamentaux, à la formation du citoyen et à sa capacité d’analyser, de ressentir, d’interpréter et de décider, en tous domaines.

→ déléguer tous ces apprentissages à un dispositif hors école, c’est de fait annoncer un plan de licenciement massif des enseignant-es d’EPS (38 000 postes), de musique et d’arts plastiques (16 000 postes). C’est de fait recourir à une masse d’intervenant-es extérieur-es précarisé-es dans le temps scolaire, sans garantie de formation ni d’expertise pédagogique. C’est de fait réduire le temps scolaire et imposer la révision de l’organisation et du temps de travail des enseignant-es.

Le statut des personnels

Direction d’école
La question de la direction des écoles est déjà revenue sur le tapis. Cette crise sanitaire a décidément bien des avantages pour les partisans de l’autorité hiérarchique. Le statut des directeurs-trices n’est pas recherché par les premiers-ères concerné-es. Les enseignant-es qui exercent la direction d’école ne veulent pas devenir les supérieur-es de leurs collègues. La loi Blanquer, combattue en 2019, proposait d’établir ce statut : notre forte mobilisation l’en a empêché.

Cette fois-ci, la proposition de loi de la députée LREM Cécile Rilhac vise à établir une fonction de direction d’école : une autorité hiérarchique, un pouvoir décisionnaire qui l’emporte sur le conseil des maîtres, mais surtout plus de tâches : relations directes avec les collectivités territoriales (positif si le maire nous aime bien...), responsabilité de l’encadrement et des actions d’éducation (en gros les missions des IEN et des conseillers pédagogiques : MDPH, égalité fille garçons, UPE2A…).
Mais quels « avantages » pour cette nouvelle direction d’école ? Une bien trop maigre indemnité sans commune mesure avec les responsabilités et les nouvelles tâches, un avancement accéléré d’échelon (surtout pas de statut ni de véritable rémunération), et la possibilité de l’éventuelle mise à disposition d’un concierge ou d’une aide administrative (notons bien que cela n’a rien de contraignant pour les collectivités territoriales…).
Le mirage est en marche : aux chargé-es de direction qui réclament du temps et l’allègement de tâches, on répond par une obole et une surcharge de responsabilités et de tâches !

Par ailleurs, les contre-réformes déjà engagées, ou bien les projets issus de l’expérience du confinement menacent toujours plus les services publics et le statut de ses agent-es :

Le CHSCT a été une instance des plus utiles pendant la crise : il est pourtant promis à disparition dès la fin de l’année par la loi Dussopt votée en catimini en août 2019.
Le dispositif 2S2C menace grandement nos obligations règlementaires de services (ORS) et notre temps de travail.
La pérennisation de l’enseignement à distance menace là aussi nos statuts, notre liberté pédagogique et nos postes.

Marchandisation et réseau

Encore une aubaine pour les ami-es de la Start up Nation, les réseaux marchent à fond : les prestataires privés salivent devant l’externalisation de pans entiers de l’Éducation Nationale.
Microsoft depuis 2015, Blackboard (sous-traitant du CNED), Amazon (hébergeur des données provenant des évaluations nationales)… de belles grandes boîtes capitalistes dont on connaît les pratiques douteuses ont déjà un pied dans le service public français. Blanquer leur déroule le tapis rouge en prévoyant d’externaliser des domaines d’apprentissage entiers. Le marché est juteux pour celles et ceux qui investiront et en tireront des profits...

Pour la partie pédagogique, les think tanks financés par le monde des grandes entreprises ont là aussi les faveurs du ministre : nous avons vu les intentions d’Agir pour l’école dans les écoles de REP et REP+. L’institut Montaigne n’est pas en reste et dispense régulièrement ses recommandations et propositions auprès du ministre.

Les « vacances apprenantes »

Dernière idée du ministre : décliner son concept « d’apprenant » aux vacances. « Nation apprenante », « télévision apprenante », « vacances apprenantes »…

Un budget (200 millions d’euros), un protocole sanitaire dédié, un projet : faire travailler encore et toujours élèves et personnels sur les « fondamentaux ».
Premièrement, ce budget est ridicule en comparaison de celui alloué au SNU (service national universel), gadget réactionnaire et de caporalisation de la jeunesse, pour lequel l’EN contribue tout de même à hauteur de 1,3 milliards.
Nous sortons toutes et tous d’une période particulièrement éprouvante tant au niveau personnel que professionnel, et pourtant, Blanquer se figure qu’en deux semaines, les organisateurs de colonies, les enseignant-es, les collectivités parviendront à construire des propositions cohérentes pour les colonies et les écoles ouvertes ?

Pourquoi ne s’appuie-t-il pas sur les acteurs de l’éducation populaire, si longtemps dédaignés, qui ont une compétence certaine en ce qui concerne la mixité sociale, le vivre ensemble et l’autonomie ?
Pourquoi ces longues semaines de confinement n’ont-elles pas été mises à profit pour préparer avec ces associations la période estivale ?

Réponse : parce que le gouvernement était aux fraises, incapable de gérer la crise à court terme, et sans aucune vision à moyen terme ou à long terme.
Ce gouvernement d’amateurs bricole et réagit, il n’est pas à la hauteur des enjeux et des changements de paradigmes nécessaires, et ressasse la vieille antienne droitière de l’autorité, de l’austérité, et de la domination du travail sur nos vies, antienne que LREM, ou Macron, a fait sienne malgré ses dernières communications prétendument sociales et écologistes.

Sud éducation revendique

Si l’éducation et la santé sont bien des investissements et non des dépenses, comme l’affirme Blanquer dans les médias (interview du 2 juin), alors il faut cesser d’agir pour la réduction des coûts, des effectifs et l’augmentation des inégalités, et au contraire considérer avec sérieux les propositions faites par celles et ceux qui sont au plus près du terrain.

Depuis des semaines, la fédération SUD éducation propose et revendique un plan d’urgence pour l’éducation :

soutenir financièrement les collectivités territoriales pour qu’elles aménagent les locaux scolaires et recrutent massivement du personnel pour leur nettoyage
recruter massivement du personnel : enseignant-es, psychologues de l’EN, enseignant-es spécialisé-es (RASED), AESH, AED... afin de constituer et d’encadrer des effectifs réduits pour tous les niveaux, d’accompagner les élèves en difficulté et en en situation de handicap
recruter du personnel médical pour enfin constituer une médecine scolaire (usagers) et une médecine de prévention (personnels) dignes de ce nom
→ recruter des assistant-es sociales-aux pour accompagner les familles victimes de la crise économique qui se profile
aménager les programmes de l’année prochaine pour tenir compte de la situation inédite que nous venons de vivre

Pour SUD éducation, les missions de service public doivent être effectuées par des agent-es du service public : des fonctionnaires, dont le statut garantit l’indépendance de toute influence extérieure (financière, idéologique, sociale…). Battons-nous pour préserver ce statut ou l’obtenir (pour les AED et les AESH) : le statut préserve la qualité du service public.