Rentrée 2020 : SUD éducation 34 écrit au DASEN

vendredi 28 août 2020
par  Sud éduc 34

Le DASEN de l’Hérault réunit les organisations syndicales le 28 août pour faire le point sur la rentrée 2020.

En prévision de cette réunion, nous lui avons écrit (6 pages, tout de même) afin de mettre en avant les points d’inquiétude de la profession.


Montpellier, le 27 août 2020

Monsieur l’Inspecteur d’Académie
Directeur Académique
des Services de l’Éducation Nationale de l’Hérault
31 rue de l’université
34 000 Montpellier

Objet : le cadre accompagnant la rentrée 2020 pour les personnels des établissements scolaires du département de l’Hérault

Monsieur le DASEN,

En prévision de la réunion que vous organisez ce vendredi à propos de la rentrée scolaire 2020, nous portons à votre connaissance les points qui inquiètent la profession et les usagers. Le ministre a transmis un protocole sanitaire réduit, et il maintient sa décision « d’agir au cas par cas », renvoyant de fait la responsabilité des décisions à l’échelon départemental.
C’est donc à vous que revient la charge de fixer le cadre règlementaire et sanitaire de la rentrée dans l’Hérault, afin de garantir la sécurité des conditions d’exercice pour les personnels, et des conditions d’apprentissage pour les élèves.

1) Le cadre règlementaire

Les articles L4121-1 et suivants du code du travail disposent que l’employeur, y compris l’employeur public, a une obligation de moyens et de résultats quant à la préservation de la santé des travailleurs sur leur lieu de travail, tant sur le plan physique que moral. Cette disposition est confirmée par la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, qui est également applicable à la Fonction Publique de l’État. Pour la fonction publique d’État, le décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique, et notamment en son article 2-1 instaure la même disposition. De plus ce décret dispose un certain nombre de mesures concernant les conditions de travail des personnels.

La posture du gouvernement et du ministre font donc de vous le responsable de l’obligation de moyens et de résultats quant à la préservation de la santé des travailleurs sur leur lieu de travail, tant sur le plan physique que moral.

Nous sommes toujours dans l’attente de vos précisions concernant ledit cadre règlementaire :

Sur le Document Unique d’Évaluation des Risques

Le Document Unique d’Évaluation des Risques est une obligation légale pour l’employeur. Il est prévu par l’article R4121-1 du code du travail, cette disposition est applicable à la fonction publique. Ce DUER doit être mis à jour, et prévoir spécifiquement la situation de la diffusion du virus du COVID-19 et les moyens de prévention nécessaires. C’est d’ailleurs le sens des jugements du Tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de la direction de La Poste et du jugement confirmé par la Cour d’Appel de Versailles à l’encontre d’Amazon. En l’espèce, ces deux jugements peuvent trouver à s’appliquer aux fonctionnaires et agents publics employés par l’Éducation Nationale.

L’Institut National de Recherche et de la Sécurité a classé le COVID-19 dans la catégorie des agents biologiques infectieux qui est un virus de type 4. De ce fait, les mesures de protections et d’évaluation des risques professionnels doivent être spécifiques afin de limiter la contamination des agents pouvant y être exposés.
Le DUER doit également considérer et intégrer les risques psycho-sociaux : le changement permanent de l’organisation du travail, le stress et l’angoisse générés par la peur d’une exposition délibérée au virus (faute d’équipement de protection individuel), les injonctions reçues hors de tout cadre réglementaire... Tout cela relève également du DUER et votre responsabilité en tant que représentant départemental de l’employeur peut être mise en cause auprès de la juridiction compétente.

Dans nos trois courriers précédents (30 avril, 4 mai et 11 juin 2020), restés sans réponse, nous vous demandions de respecter le droit en procédant à la mise à jour de ce document. En ne le faisant pas, vous vous placez dans l’illégalité et êtes passible de poursuite.

Sur les fiches de prévention

Il vous revient également de vous assurer de la mise à jour des fiches de prévention, de leur édition, et de leur diffusion auprès de l’ensemble du personnel. Ces fiches de prévention doivent être conformes à l’article D 4121-6 du Code du Travail, dont la partie IV s’applique aux fonctionnaires.

Selon le décret 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique, modifié par le décret 2020-647 du 27 mai 2020 relatif aux services de médecine de prévention dans la fonction publique de l’État, le médecin du travail établit périodiquement une fiche des risques professionnels qui doit être transmise et annexée au Document Unique d’Évaluation des Risques (le DUER).

Nous réitérons la demande que ces fiches soient transmises avec le DUER mis à jour à l’ensemble des personnels du département, tel que prévu par le droit.

Sur la question des équipements de protection

Le code du travail en ses articles L4321-1 et suivants dispose que “Les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements destinés à recevoir des travailleurs sont équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, y compris en cas de modification de ces équipements de travail et de ces moyens de protection.

Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, en application des dispositions du code du travail, l’employeur public doit fournir les équipements de protection individuels aux agent·e·s placé·e·s sous son autorité, ou celle du chef de service dans la limite de la délégation qui lui échoit. Vous devrez donc veiller à fournir aux personnels de l’Éducation Nationale les équipements de protection nécessaires :

• masques chirurgicaux à usage unique. Les masques « alternatifs », « grand public », en tissu, ne sont pas assimilés à des équipements de protection individuels. Puisqu’il faut désormais que les personnels en portent tout au long de la journée, il en faudra bien plus de deux par jour et par personne.

• gel hydro-alcooliques. En mai, c’est le Conseil Départemental de l’Hérault qui a pallié la défaillance de l’État en fournissant un litre de gel à chaque classe. Ces bidons étant bientôt épuisés, il vous revient d’assurer le renouvellement et la mise à disposition de ce gel auprès des personnels et des élèves, surtout lorsqu’on sait que les points d’eau et sanitaires permettant de se laver les mains n’existent pas en nombre suffisant dans les locaux.

• savon et essuie-mains jetables en quantité suffisante.

Sur l’état du bâti des établissements scolaires et les effectifs à accueillir

• Les points d’eau et sanitaires sont en nombre insuffisant dans les locaux scolaires pour permettre un lavage régulier de l’ensemble des élèves suivant les recommandations sanitaires. Nous vous demandons d’organiser conjointement avec les collectivités l’installation de sanitaires mobiles supplémentaires partout où ce sera nécessaire pour permettre le respect des mesures sanitaires.

• Le « plan de continuité pédagogique » prévoit, dans le cas d’un renforcement du protocole sanitaire la scolarisation de tous les élèves, même de façon réduite. S’il faut d’ores et déjà envisager de dédoubler tous les effectifs des classes, nous vous demandons de tenir les organisations syndicales informées de la recherche de locaux utilisables pour opérer ce dédoublement physiquement, ainsi que du recrutement de personnel qualifié pour assurer les heures de cours de ces groupes.

Sur la médecine de prévention et l’accompagnement sanitaire

En application des articles 11 et 11-1 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 précité, un service de médecine préventive est mis en place dans chaque administration de l’État, le médecin de prévention agit dans l’intérêt exclusif du salarié en toute indépendance. Les agents ont droit à un suivi médical effectif.
L’épidémie en cours pose la question des personnels qui pourraient contracter le COVID-19 en service et être asymptomatiques, ce qui est un facteur de diffusion de l’épidémie. En effet, il faudrait pouvoir assurer un suivi hebdomadaire des personnels, le délai d’incubation du virus étant de trois à quinze jours en fonction des personnes infectées.
Le rapport du 24 avril 2020 transmis par le comité scientifique dévolu à la crise actuelle est particulièrement explicite sur le fait que « le médecin du travail doit s’assurer que les gestes barrières sont strictement respectés sur le lieu de travail ». Notre département souffre d’un nombre très insuffisant de médecins de prévention depuis plusieurs années, comment comptez-vous mettre en place le suivi médical dû aux agent·e·s de l’Éducation Nationale ?

Par ailleurs, le gouvernement souhaite poursuivre la montée en charge des dépistages. Les locaux scolaires étant des lieux collectifs clos, avec un grand nombre de personnes et une faible aération dans les salles, nous vous demandons de préparer une communication spécifique à la pratique du dépistage pour les personnels. Avez-vous prévu d’organiser un dépistage de pré-rentrée ? La DSDEN va-t-elle se positionner pour acheter des stocks de tests salivaires, comme l’a déjà fait l’armée, pour réagir au plus vite en cas de suspicion de Covid ?

De plus, toujours dans son intervention médiatique, Jean-Michel Blanquer vous laisse, en responsabilité avec le directeur local de l’ARS, le soin d’élaborer le protocole à suivre en cas de présence du virus : pendant l’enquête d’identification des potentiels cas contacts, allez-vous fermer les locaux au nom du principe de précaution, ou bien laisser élèves et personnels continuer d’aller et venir (rappelons que le brassage des groupes est à nouveau permis, et les mesures de distanciation abolies) sans savoir s’ils propagent le virus ?
Le site Santé Publique France nous place en situation de vulnérabilité élevée, comme dix autres départements,et souligne la stratégie du « Tester – Isoler - Tracer » : Afin de ralentir la progression du virus SARS-COV-2 dans la population, il est primordial de renforcer l’application de la stratégie « Tester-Tracer-Isoler » : chaque personne présentant des symptômes évocateurs de COVID-19 ou ayant le moindre doute doit réaliser un test de recherche du virus dans les plus brefs délais. Dans l’attente des résultats, les personnes doivent s’isoler et réduire leur contact au strict minimum. Cette démarche doit être associée à une adhésion à l’ensemble des gestes barrières, notamment le port du masque, à la participation aux mesures d’identification des contacts, au respect des mesures d’isolement des personnes infectées, susceptibles d’être infectées ou des contacts classés à risque.
Nous vous demandons donc de souscrire à ces précautions, en ne laissant pas inutilement des personnes propager le virus, alors qu’une fermeture de quelques jours suffirait à casser la chaîne de contamination.

2) Les droits des personnels

Au-delà de toutes ces considérations sanitaires et matérielles, les personnels de l’Éducation nationale souffrent littéralement d’avoir si peu d’information de la part de leur hiérarchie sur leurs droits et obligations en cette période tout à fait particulière.

• Sur la situation des personnels vulnérables

L’état d’urgence a pris fin, mais la vulnérabilité de certain-es demeure. Et comme le virus circule toujours activement, il semble nécessaire de rappeler les modalités de protection prises pour ces personnels. Une communication rappelant le droit et la procédure serait bienvenue et rassurante.

• Sur le télétravail

Sans parler de « continuité pédagogique », improvisation totale du ministre, le télétravail est une organisation à part entière, qui dispose d’un cadre règlementaire précis. L’impréparation et l’improvisation du confinement de mars doivent faire place au respect des règles.
Pour exercer en télétravail, l’agent doit donner son accord, et l’employeur fournir tout le matériel adéquat. Lors de son intervention médiatique, Jean-Michel Blanquer a assuré que tout était prêt, et que du matériel informatique serait distribué aux professeurs qui devraient assurer un lien à distance avec les élèves. Pouvez-vous nous assurer que vous disposez de ce stock de matériel (ordinateur, point d’accès internet, téléphone…), en nombre suffisant ?

• Sur les questions pédagogiques

Les programmes de cette année n’ont pas été adaptés pour tenir compte du « trou » de près de quatre mois de l’année 2019-2020. Il n’a pas été non plus tenu compte de potentiels reconfinements locaux, qui amputeraient les apprentissages d’un certain nombre de jours. Pouvez-vous préciser aux personnels votre position et vos attendus sur ce point, sachant qu’il sera bien évidement impossible de rattraper le retard et effectuer une année d’apprentissage « en même temps » ?

• Sur l’exercice des AVS et AESH

Comment faire pour exercer concrètement son métier : dans le cas des enfants qui doivent être changés, dans le cas des enfants qui ont besoin d’un contact pour s’engager dans les apprentissages ; pour ne citer que ces deux exemples ? Comment contenir des enfants autistes ou hautement perturbateurs sans les toucher ?

Les AVS et AESH se sentent particulièrement peu considéré-es par la hiérarchie en général, et dans ce cadre sanitaire en particulier.

• Sur la relation avec les familles

Les familles sont plongées dans l’incertitude quant aux précautions sanitaires relatives à l’École, et l’intervention médiatique de Jean-Michel Blanquer ne les a en rien rassuré. Les équipes pédagogiques aimeraient pouvoir disposer d’un deuxième jour de pré-rentrée, le 1er septembre, afin de pouvoir gérer tous les éléments classiques d’une rentrée, mais aussi tout ce qui relève de la nouvelle organisation liée à la circulation du virus. Préparer sereinement la longue liste d’informations, de précautions et de règles ; prendre le temps de communiquer le plus précisément avec les familles, cela entre pleinement dans l’objectif de confiance entre l’École et les familles.

Beaucoup des points que nous avons rappelé à votre connaissance ne sont pas facultatifs. Nous attendons donc une communication prochaine de vos services pour remettre le département de l’Hérault dans les clous de la légalité. Pour les autres points, nous espérons comme pour les précédents courriers une réponse de votre part, que nous ne manquerons pas de partager avec l’ensemble de la profession.

Soyez assuré Monsieur le DASEN du département du l’Hérault de notre profond attachement au service public d’Éducation ainsi qu’aux conditions de travail et de santé des personnels.