Contre les semeurs de haine, nos solidarités

mardi 27 octobre 2020
par  Sud éduc 34

Tribune de SUD éducation
Lundi 26 octobre 2020

Vendredi 16 octobre, l’ensemble de la profession a été frappé d’effroi face à l’horrible crime perpétré à Conflans-Saint-Honorine contre l’un des siens.

Bien que toujours sous le choc de cet assassinat abject, les enseignantes et les enseignants sont déjà tourné·es vers la préparation de la reprise du lundi 2 novembre dans un climat qui s’annonce lourd. Pendant ce temps, d’autres se frottent les mains en songeant à l’exploitation qu’ils et elles peuvent faire de ce drame. Ainsi plusieurs jours durant, avant même que l’hommage national à notre collègue ait été rendu, nous avons assisté à une terrifiante surenchère de déclarations censées répondre à l’horreur de ce crime. La plupart nourrit la stigmatisation de populations entières : Tchétchènes ou musulmanes selon qui les formule.

Ces prises de parole dans le débat public nourrissent les fractures et les haines. Elles divisent alors qu’il nous faut aujourd’hui rassembler pour faire société. Elles remettent en cause le principe de laïcité qui est pourtant la garantie de la liberté de culte pour l’ensemble des religions, tout comme la liberté de ne pas croire, et l’indépendance de l’État vis-à-vis de toutes.

SUD éducation appelle chacun et chacune à la mesure et à la décence. Ainsi, nous condamnons fermement les propos du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui a accusé mardi 20 octobre sur le plateau de BFM Edwy Plenel et SUD éducation « d’être responsables de cette ambiance qui permet à des individus [terroristes] de passer à l’acte ». Que nous reproche M. Darmanin ? De refuser qu’une partie de la population soit stigmatisée et discriminée en raison de sa religion réelle ou supposée.

Le même type d’accusations a été réitéré depuis, pouvant viser d’autres organisations que la nôtre.

SUD éducation défend, avec l’Union syndicale Solidaires, une position claire : nous refusons au religieux le droit d’intervenir dans les choix de société comme dans l’école. Nous défendons ainsi le mariage pour toutes et tous, le droit à l’avortement ou le libre accès à la PMA. Nous refusons à la Manif pour Tous et aux intégristes islamistes ou d’autres religions le droit d’intervenir sur le contenu de nos cours. Nous refusons aussi à celles et ceux qui se sont battu·es contre les ABCD de l’Égalité, dont M. Darmanin faisait partie, celui de venir donner aujourd’hui des leçons.

À celles et ceux qui sèment la haine pour quelques minutes d’antenne et qui prétendent soutenir les enseignant·e·s : ne nous rendez pas la tâche plus difficile. Ne nous mettez pas en difficulté quand il nous faudra expliquer que la République garantit la liberté de culte, traite à égalité les religions. Quand il nous faudra expliquer qu’elle punit les discriminations. Quand il nous faudra expliquer que la liberté d’expression connaît des limites définies par la loi, dont celles des propos racistes. Car par votre faute, beaucoup de nos élèves risquent de contester à l’institution le droit à donner des leçons de morale.

À celles et ceux qui veulent remettre l’école au centre du combat pour la liberté d’expression, pour la formation d’adultes éclairé·es et émancipé·e·s, nous n’oublions pas que le lycée professionnel vient par exemple d’être amputé de centaines d’heures d’arts, de français, d’histoire. Le lycée général vient de subir une réforme d’ampleur démantelant les cadres disciplinaires et les groupes classes qui permettaient d’avoir des échanges dans la durée. Les filières technologiques sont également aujourd’hui dans le viseur. Dans le premier degré, les temps d’échange et de compréhension du monde avec les enfants sont toujours plus réduits et contraints par les pressions sur la liberté pédagogique. Dans le premier comme dans le second degré, les moyens ne suivent pas la hausse démographique, ce qui n’est pas pour faciliter les échanges avec les élèves et notamment autour de présupposés qu’il s’agirait de déconstruire.

Il y a des solutions qui coûtent plus cher que d’autres, qui ne feront pas les gros titres mais qui sont beaucoup plus efficaces : investir dans l’éducation, nous donner les moyens de suivre tous nos élèves. Assurer la présence de personnels médico-sociaux dans tous les établissements, de CPE en nombre suffisant, d’Assistant·e·s d’éducation comme d’Accompagnant·e·s d’élèves en situation de handicap formé·e·s et avec un véritable statut.

C’est en faisant confiance à la professionnalité des enseignantes et des enseignants, et au-delà à toute la communauté éducative, en lui donnant enfin les moyens d’exercer convenablement sa mission de service public pédagogique et d’éducation, qu’il sera possible de faire pièce aux réactionnaires et aux intégristes. Contre les semeurs de haine, c’est la solidarité qui doit prévaloir.

Signataires :

Fatna Seghrouchni et Jules Siran, co-secrétaires de SUD éducation


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