Violences sexuelles et sexistes au travail et ailleurs : stop !

jeudi 4 novembre 2021
par  Sud éduc 34

Article de SUD éducation
Mercredi 3 novembre 2021

Chaque jour, en France, des femmes sont victimes de violences psychologiques, verbales, économiques, médicales, physiques ou sexuelles. Selon l’OMS, « une femme sur trois est victime de violence physique ou sexuelle ». On compte 102 féminicides en 2020. En moyenne, 94 000 femmes sont victimes de viols et/ou de tentatives de viol chaque année. En France, il y a eu 142 310 plaintes pour violences conjugales en 2019.

La convention européenne dite d’Istanbul (ratifiée le 4 juillet 2014 par la France) donne cette définition des violences sexistes et sexuelles : « tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée  ».

Les violences sexuelles ou sexistes contre les femmes ne sont pas des actes isolés, elles contribuent à maintenir un système d’exploitation des femmes : le patriarcat. Les violences sexuelles et sexistes fonctionnent

ensemble, on observe un continuum de la violence : c’est parce qu’il y a un sexisme ordinaire qui est toléré dans notre société que des violences plus graves sont commises contre les femmes. De même, les crimes que constituent les viols et les féminicides sont des menaces pour l’ensemble des femmes.

Lutter contre les violences qui s’exercent contre les femmes, c’est lutter pour les droits de toutes les femmes.

Stop aux violences sexuelles et sexistes sur nos lieux de travail

Dans l’Éducation Nationale, les violences sexistes sont communes, courantes et impunies.

Quelques témoignages de harcèlement sexuel au travail :

- Il me touche sans cesse lorsqu’il me parle.

- Il me dit que les élèves m’écoutent parce que je suis jolie.

- Il me dit que je ne me fais pas respecter en classe parce que je suis jolie, jeune, petite.

- Il m’envoie des messages où il mélange des informations professionnelles et des propos sur mon physique ou des propos qui concernent mon intimité.

- Il me pose des questions sur ma vie intime ou interroge mes collègues.

- Il me fait sans cesse des "blagues" du type : "Quand est-ce qu’on couche ensemble ?"

- Il a des gestes ou des propos déplacés à mon encontre.

Dans l’Éducation nationale, les violences sexistes sont communes, courantes et impunies. Si 1 femme sur 5 affirme avoir vécu des situations de violences au travail, seulement 5% porte plainte pour les dénoncer. Elles comprennent insultes, discriminations, harcèlement, menaces, chantage, mais aussi les agressions physiques et sexuelles. Les femmes les plus exposées au harcèlement sont celles qui subissent des discriminations liées à leur origine et à leur identité de genre et/ou leur orientation sexuelle. Dans le cadre du travail, ouvrières et salariées précaires et dans une moindre mesure les professions intermédiaires subissent une pression sexuelle plus intense que celle des autres catégories sociales. La circulaire du 9 mars 2018, qui prévoit la protection des victimes de violences sexistes et/ou sexuelles, n’est que partiellement appliquée : les collègues qui ont dénoncé les violences subies ne bénéficient pas selon les situations et les académies d’une protection et d’un accompagnement convenables. Pourtant l’employeur est responsable de la santé et de la sécurité des agent·es sur leur lieu de travail !

Impact et conséquence sur la santé des femmes

Selon l’OMS : « La violence – sous toutes ses formes – peut avoir un impact sur la santé et le bien-être d’une femme tout au long de sa vie – longtemps même après que la violence a pu prendre fin. Elle est associée à un risque accru de traumatismes, de dépression, de troubles anxieux, de grossesses non planifiées, d’infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH, et de nombreux autres problèmes de santé. »

D’après la Dre Muriel Salmona les conséquences des violences sur la santé des victimes sont donc à la fois liées :

aux conséquences immédiates des coups et blessures qui peuvent aller jusqu’à la mort (fractures, brûlures, blessures, strangulation, hématomes, atteintes oculaires et ORL, atteintes neurologiques par traumatisme crânien, atteintes génito-urinaires) et chez les femmes enceintes de nombreuses pathologies obstétricales pouvant provoquer leur mort et/ou la mort du fœtus ou du nouveau-né (avortement, prématurité, menaces d’accouchement prématuré, décollement placentaire, rupture des membranes, hypotrophie fœtale), et lors de viols des infections sexuellement transmissibles et/ou une grossesse.


aux conséquences immédiates du stress extrême subis lors des violences physiques, psychologiques et sexuelles : état de choc, prostration, perte de connaissance, amnésie lacunaire, dissociation péri-traumatique, états confusionnels, bouffée délirante aïgue désordres métaboliques, troubles somatiques liés au stress aïgu (neurologiques, cardio-vasculaires, gastro-entérologiques, broncho-pulmonaires, uro-génitales, dermatologiques,…)


aux conséquences différées des mois, années, voir des dizaines d’années après la fin des violences dues aux séquelles des coups et blessures, et aux troubles psychotraumatiques qui entraînent une atteinte de l’intégrité psychique avec des conséquences sur la santé mentale avec des pathologies psychiatrique (troubles anxieux, dépressions, risques suicidaires : tentatives de suicides répétées et suicides (x 10), addictions (tabac, alcool, drogues), conduites à risques et mises en danger, troubles alimentaires (anorexie et boulimie), troubles du sommeil, troubles cognitifs et troubles de la personnalité), des conduites à risque avec un risque d’accidents multiplié par 8, des addictions et un stress chronique dû à la mémoire traumatique qui fait revivre les violences à l’identique avec le même stress émotionnel extrême, entraînent une fatigue et des douleurs chroniques(douleurs ostéo-musculaires, céphalées de tension, douleurs temporo-maxillaires, fibromyalgies), des conséquencesneurologiques (migraines, neuropathies, troubles de la mémoire,dysarthries, atteintes démentielles), cardio-vasculaires (palpitations, insuffisance coronaire, infarctus du myocarde, hyper-tension artérielle, hyper-cholestérolémie, ), gastro-entérologiques (constipation, anisme, diarrhée, reflux gastro-œsophagien, ulcères, côlon irritable, colites spasmodiques,…), immunologiques ( maladies auto-immunes) et endocriniennes (syndrome métabolique, diabète), broncho-pulmonaires (asthme, bronchites chroniques, dilatation des bronches),musculo-squelettiques (inflammations, arthrite, douleurs musculaires et articulaires), dermatologiques et ORL, gynécologiques (douleurs pelviennes chroniques, dysménorrhées, inflammation pelvienne, infections vaginales, troubles de la sexualité, vaginisme, cystites à répétition,…), obésité morbide.


Tous ces troubles sont augmentés de manière significatives en cas de violences et de troubles psychotraumatiques.

Rappel des lois

Accompagner et agir sur les lieux de travail est essentiel. Il s’agit de connaître les lois et de les faire appliquer pour qu’elles protègent au mieux les personnes. En tant que syndicaliste, nous devons aussi toujours mettre en avant la responsabilité de l’employeur et son obligation d’agir pour protéger les salarié·es.

Depuis 2015, les agissements sexistes sont interdits dans la loi :

Article L1142-2-1 du code du travail « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 « Aucun fonctionnaire ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Le viol est un crime :

Article 222-23 du code pénal : Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.

L’agression sexuelle est un délit :

Article 222-22 (code pénal) Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.

Article 222-22-2 (code pénal) Constitue également une agression sexuelle le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers.

Harcèlement sexuel :

Article L1153-1 du code du travail : Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

L’article 222-33 du code pénal précise les peines encourues (emprisonnement et amendes) par les auteurs de harcèlement sexuel qui peuvent être aggravées dans certaines situations. Se rend coupable du délit de harcèlement sexuel le salarié qui impose à des collègues des propos ou comportements répétés à connotation sexuelle créant un environnement hostile, peu importe qu’il méconnaisse la portée de ses actes.

Responsabilité et Obligation de l’employeur

L’employeur doit tout mettre en œuvre pour éviter toute forme d’agissement sexiste et de harcèlement dans son entreprise, son service. L’employeur informé d’une situation de violence sexiste ou sexuelle doit intervenir immédiatement et mener une enquête sérieuse et impartiale pour la faire cesser et sanctionner le cas échéant son ou ses auteurs.

Article L4121-1 du code du travail : L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Article L1153-5 du code du travail : L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner. Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L. 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal.

Protection et accompagnement des victimes :

- l’écoute dans un cadre sécurisant
- l’orientation vers des associations
- la protection fonctionnelle

La protection fonctionnelle dont bénéficient les agent·es victimes recouvre :

• L’obligation de prévention : une fois informée des agissements répréhensibles, l’administration doit mettre en œuvre toute action appropriée pour éviter ou faire cesser les violences auxquelles l’agent victime est exposé, même lorsqu’aucune procédure judiciaire n’est enclenchée (par exemple, mesure interne de changement d’affectation voire suspension de la personne présumée agresseur dans l’attente du conseil de discipline) ;

• L’obligation d’assistance juridique : il s’agit principalement d’apporter à l’agent·e victime une aide dans les procédures juridictionnelles engagées ; l’administration peut payer les frais de l’avocat désigné par l’agent·e victime,dès lors qu’elle a signé une convention avec ledit avocat et à certaines conditions ;

• L’obligation de réparation : la mise en œuvre de la protection accordée par l’administration ouvre à la victime le droit d’obtenir directement auprès d’elle la réparation du préjudice subi du fait des attaques.

Contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles, SUD éducation appelle à participer massivement à toutes les initiatives à l’occasion des journées de luttes du 20 au 25 novembre.

Le 20 novembre et le 25 novembre, toutes et tous mobilisé·es pour la fin des violences sexistes et sexuelles, et tant qu’il le faudra !

Revendications

SUD éducation revendique l’application de la circulaire du 9 mars 2018 qui prévoit :

- une campagne de prévention des violences sexistes et sexuelles dans la fonction publique : des formations pour tous les personnels notamment pour les représentant·es du personnel, ainsi que pour les personnels d’encadrement qui ont tendance à oublier leurs obligations
- des dispositifs d’information, de communication et de sensibilisation auprès de l’ensemble des personnels avec la diffusion d’un numéro vert, le rappel de la loi, l’organisation de réunions de sensibilisation
- la définition et la mise en œuvre d’un dispositif de signalement et de traitement des violences sexistes et sexuelles : ce dispositif est aujourd’hui inexistant ! Les signalements des personnels restent sans réponse de l’administration.
- la protection et l’accompagnement des victimes : l’employeur a la responsabilité de protéger les personnels :« une fois informée des agissements répréhensibles, l’administration doit mettre en œuvre toute action appropriée pour éviter ou faire cesser les violences auxquelles l’agent victime est exposé, même lorsqu’aucune procédure judiciaire n’est enclenchée ». Elle peut prendre une « mesure interne de changement d’affectation voire suspension de la personne présumée agresseur dans l’attente du conseil de discipline ».
- de sanctionner les auteurs des violences : aujourd’hui, bien souvent l’administration se contente de déplacer soit la victime soit l’auteur des violences ou attribue une sanction parmi les plus basses aux auteurs de violences sexistes ou sexuelles. Pourtant la circulaire indique que « les employeurs se doivent d’être exemplaires dans la sanction des violences sexuelles et sexistes. »« les actes constitutifs de violences sexuelles ou sexistes doivent être sanctionnés par le biais de la procédure disciplinaire et/ou par le juge pénal. Ils peuvent également donner lieu à une indemnisation par le juge civil. Les procédures disciplinaires, administratives et pénales sont indépendantes les unes des autres. »

Violences sexuelles et sexistes au travail et ailleurs : stop !