Déclaration liminaire de SUD éducation et SUD Recherche EPST au CTMESR du 16 décembre 2021

vendredi 17 décembre 2021
par  Sud éduc 34

Déclaration liminaire
Jeudi 16 décembre 2021

1/ Sur le décret « repyramidage des ITRF » et ses arrêtés d’application

Commençons par rappeler la situation dans les EPST, qui ont souvent été pris comme point de référence, puisqu’ils auraient quant à eux déjà mené un tel repyramidage. Nous tenons à attirer l’attention sur le fait que le prétendu « repyramidage » opéré dans les EPST est largement lié à une diminution drastique du nombre d’agent-e-s de catégorie B et C dans ces établissements au travers de l’externalisation massive de certaines fonctions et du non-remplacement des agent-e-s de ces catégories lors de leur départ, ce que montre d’ailleurs le bilan social présenté ce jour.
Un tel « repyramidage » opéré par la suppression des postes de titulaires, n’est pas sans poser problème sur l’activité et les conditions de travail dans les laboratoires et les services.

En comparaison, le repyramidage ici proposé pour la filière ITRF est indéniablement l’un des rares éléments positifs du protocole carrière et rémunération lié à la LPR. Ce sont plus de 4700 collègues de la filière ITRF qui devraient bénéficier d’un accès dans le corps supérieur au leur. En particulier, avec 2500 passages supplémentaires d’AT à T, ce repyramidage offre des perspectives pour les collègues au plus bas de l’échelle des rémunérations de notre secteur.

Nous notons favorablement le fait que les contingents de possibilités non pourvues soient basculés d’une campagne sur l’autre et qu’au bout du processus, ces possibilités non pourvues soient rebasculées sur les listes d’aptitudes de droit commun. Nous notons aussi favorablement le fait que le nombre d’entrées dans les corps par ces voies exceptionnelles seront bien comptabilisées pour le calcul des possibilités de la campagne au choix. Tel n’avait pas été le cas pour les recrutements par examens professionnels réservé lors de la mise en œuvre de la loi Sauvadet ; ce n’est pas non plus le cas pour les recrutements par la voie contractuelle pour les collègues en situation de handicap, comme nous le dénonçons depuis longtemps.

Globalement, nous ne pouvons que nous réjouir de l’augmentation des possibilités de promotion de corps offertes par la procédure : le sous-classement massif des agentes et des agents du service public de l’ESR est quelque chose que nous dénonçons depuis des années. Cependant, il aurait dû se traduire par une requalification des emplois des agent-e-s sur leur poste, ce qui n’est pas systématiquement garanti ici.

Les voies d’accès réservés, en particulier, font la part belle à l’arbitraire hiérarchique. C’est le choix qui a été fait par le Ministère pour le repyramidage vers le corps des AI, avec des concours réservés dont la définition des profils (BAP et emploi-type) sera dévolue à la direction de l’établissement. On ne peut qu’y voir une volonté de verrouiller l’accès à l’ensemble des corps de catégorie A, c’est-à-dire aux positions de responsabilité. Le verrouillage se poursuit lorsque, pour l’accès aux grades d’IGE et IGR sur liste d’aptitude, il est indiqué que « l’audition vise à apprécier la personnalité du candidat » : un tel critère, qui renverrait au « savoir être » selon la réponse apportée par le Ministère lors de la réunion de concertation, ne peut qu’amplifier les logiques discriminatoires déjà ordinairement à l’œuvre dans les politiques de promotion. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement à ce sujet.

Plus largement, on peut craindre que les listes d’aptitude, pourtant un moindre mal, n’auront qu’un effet modéré de déblocage des carrières, dans la mesure où seront prises en compte, pour l’examen des candidatures, les fonctions exercées correspondant au corps supérieur. Les agent-e-s à qui leurs supérieur-e-s hiérarchiques ont déjà confié des responsabilités seront dès lors avantagé-e-s par rapport aux collègues cantonné-e-s à des tâches moins valorisables dans une perspective de promotion.

Le ciblage du repyramidage sur les agent-e-s ITRF exerçant des fonctions d’appui à la recherche (toutes BAP confondues) ainsi qu’aux agent-e-s ITRF participant aux enseignements (BAP A, B, C, D), proposé par le Ministère, est susceptible de corriger les inégalités de carrière qui existent au détriment des collègues ITRF travaillant dans les laboratoires ou les salles de TP par exemple. Étendre le périmètre des BAP concernées risque de transformer ce repyramidage ciblé en un repyramidage général de la filière ITRF, reconduisant les inégalités de carrière au sein de la filière ITRF au lieu de les corriger, et surtout d’interroger la limitation du repyramidage à la filière ITRF : s’il n’y a pas de lien clair et net avec les fonctions de recherche et d’enseignement, alors pourquoi les agent-e-s des filières Bibliothèque et AENES ne bénéficient-elles pas de possibilités semblables de recrutement dans le grade supérieur au leur ? C’est pourquoi nous ne soutiendrons pas les amendements allant dans ce sens.

Pour SUD éducation et SUD Recherche EPST, les priorités en termes d’emploi et de carrières sont la résorption de la pauvreté qui touche les corps au bas de l’échelle des rémunérations, et la résorption de la précarité qui affecte notre secteur plus que tout autre dans la fonction publique.
Ce repyramidage aura un effet modéré de résorption de la pauvreté, passant à côté d’un plan plus ambitieux s’adressant à l’ensemble des collègues de catégorie C.
Quant à la résorption de la précarité, c’est tout le contraire qui se produit ici. Rappelons que ce protocole carrière et rémunération constitue la « contrepartie » de la LPR, c’est-à-dire le prix payé par le Ministère pour condamner les actuelles et futures générations de collègues arrivant dans l’enseignement supérieur et la recherche à une précarité sans fin.

SUD éducation et SUD Recherche EPST continueront de revendiquer et de lutter pour la titularisation des précaires et pour des recrutements dans toutes les catégories de personnel.
Nous nous abstiendrons sur le projet de décret.

2/ Sur le bilan social 2019-2020

Comme chaque année, nous tenons à remercier les équipes qui ont contribué à la réalisation de ce document, qui est toujours fort utile.

Tout d’abord concernant les effectifs dans l’enseignement supérieur, on observe une poursuite de la baisse du nombre d’enseignantes et d’enseignants déjà observée au bilan social de l’an passé, même si cette année cette baisse concerne plus les enseignantes et enseignants non-titulaires que les titulaires. Au final, avec un nombre d’étudiantes et d’étudiants qui ne cesse d’augmenter on assiste à une baisse continue du taux d’encadrement : depuis 2012 ce taux d’encadrement a baissé de 13% si on prend la totalité du personnel enseignant-e-s (titulaires et contractuel-le-s) ; cette diminution est de 14% si on ne tient compte que des effectifs d’enseignant-e-s titulaires ; elle est de 12% si l’on se réfère à l’ensemble du personnel du supérieur (enseignant-e-s et Biatss, titulaires et non titulaires). Concernant le personnel Biatss la légère augmentation du nombre de titulaires par rapport au BS 2018-2019 est entièrement liée au processus de fonctionnarisation des collègues du Crous et ne correspond pas à de nouveaux recrutements.

Concernant les EPST, par rapport au bilan social 2018-2019, le nombre de chercheuses et chercheurs statutaires a légèrement baissé, mais une baisse plus conséquente est observée sur les effectifs d’ingénieur-es et de technicien-nes, qui est largement due à la diminution du nombre de technicien-nes et d’adjoint-es techniques : près de 6% en moins par rapport au bilan social de l’an passé. En 5 ans les effectifs de T et d’AT ont fondu d’environ 17%. Cette évolution qui n’est pas liée à une augmentation des possibilités de promotion (le nombre d’AI est quasi stable sur la période), mais bien à un remplacement insuffisant des départs n’est pas soutenable à la fois pour des conditions de travail correctes du personnel ou pour la qualité de la recherche. Globalement le ratio personnel d’appui (ingénieur-es et technicien-nes) sur chercheur-es ne fait que diminuer d’année en année. Le ministère doit soutenir les établissements en leur donnant les moyens de recruter des fonctionnaires à tous les niveaux.

C’est aussi une nécessité pour résorber la précarité : ce bilan social fait état de 69095 contractuel–les dans l’enseignement supérieur ce qui représente environ 35% des effectifs, et c’est sans compter les 127952 chargés d’enseignement vacataires (CEV) et agents temporaires vacataires (ATV) qui délivrent des heures d’enseignement dont il aurait été intéressant de connaître le volume, et les 27933 vacataires BIATSS en 2019, dont le travail effectué est équivalent à 1185 ETP… Et encore ces données ne sont issues que de remontées partielles des établissements. Nous espérons que la mise en place des bases de données sociales permettra de rendre moins invisibles ces collègues à propos desquels les bilans sociaux n’apportent quasi aucune information. Dans les EPST, hors doctorants, les 10757 contractuel-les représentent 20% des effectifs, mais ce pourcentage est variable selon les EPST ; il dépasse les 50% à l’Inria.
Dans tous les cas, que ce soit dans l’enseignement supérieur ou dans les EPST les femmes sont toujours plus précaires : quels que soient les emplois (enseignant-es, chercheur-es, personnel d’appui) le pourcentage de contractuelles parmi les femmes et toujours supérieur au pourcentage de contractuel parmi les hommes, et le taux féminisation des populations contractuelles et toujours supérieur à celui des titulaires. Il y a donc un réel avantage masculin pour sortir de la précarité. Le recours accru aux contractuel-les que nous prépare la mise en œuvre de la LPR, risque fort d’aggraver encore cette discrimination.

À cela s’ajoutent des discriminations qui s’exercent au sein même des populations de titulaires : L’indice d’avantage masculin pour être professeur parmi les enseignant-es chercheur-es est de 1.68, et au rythme auquel il évolue il faudra attendre au moins 20 ans pour qu’il soit égal à 1.Chez les chercheur-es la situation est un peu meilleure avec un indice d’avantage masculin pour être directeur-rice de recherche qui est de 1.26 avec une projection en 2030 pour atteindre 1. Parmi les ingénieur-es et technicien-nes RF, l’accès à la catégorie A présente un indice d’avantage masculin de 1.3 qui n’évolue quasiment pas ; il est de 1.16 pour les ingénieur-es et technicien-ne des EPST. Parmi les ingénieur-es l’indice d’avantage masculin pour être ingénieur-e de recherche est de 1.7 dans les EPST et de 1.6 chez les ITRF ; ces valeurs ne changent pas d’année en année.

Bien entendu ces différences de carrières vont se traduire par des différences de rémunération entre les femmes et les hommes. Si une meilleure carrière va agir notamment sur la part indiciaire de la rémunération, à cela va se rajouter la composante indemnitaire qui va accentuer encore plus les différences, car même pour des primes qui sont censées rémunérer une fonction donnée on observe des différences toujours en faveur des hommes : la PEDR c’est en moyenne +275€ pour les hommes, la prime de formation continue +526€, les primes d’administration (PA et PCA) +969€. On peut parier que la mise œuvre du Ripec, comme cela a été le cas avec le Rifseep, va accentuer cela, en introduisant toujours plus d’individualisation.
Dans les EPST, c’est 6% en plus pour les chercheurs par rapport aux chercheuses, 11% en plus pour les ingénieurs par rapport aux ingénieures et 5% en plus les techniciens et adjoints techniques par rapport aux techniciennes et adjointes techniques. Et même parmi les contractuel-les, les hommes sont mieux payés et tout particulièrement pour CDI. Sur l’ensemble du personnel des EPST, 15% de plus en moyenne pour les hommes, c’est presque 2 mois de salaires en plus.

C’est d’une politique beaucoup plus égalitaire et extrêmement volontariste dont on a besoin pour en finir avec cette discrimination, une politique basée sur la coopération plus que la compétition, une politique basée sur la lutte contre les stéréotypes, sur le développement de l’emploi statutaire et sur un meilleur partage des richesses.