Le harcèlement moral : mieux le (re)connaître pour mieux se défendre
par
Fiche et analyse de SUD éducation
Jeudi 6 janvier 2022
En 2016, 11% des salarié·es ont été victimes de harcèlement moral ou conflits de la part de leurs collègues ou supérieurs hiérarchiques (13% de femmes et 10% d’hommes). Le harcèlement est une réalité à combattre pour garantir à toutes et tous des conditions de travail décentes.
I- Qu’est-ce que le harcèlement moral ?
La circulaire n°2007-047 du 27-02-2007 reprend la définition du harcèlement moral, donnée par la loi du 13 juillet 1983 :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
En d’autres termes, il s’agit d’une conduite abusive qui par des gestes, des paroles, des écrits, des comportements et/ou attitudes répétées ou systématiques vise ou conduit à dégrader les conditions de travail d’une personne et à porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité de la victime.
La jurisprudence a dégagé un certain nombre d’éléments qui permettent d’ébaucher un début de tableau des agissements et situations reconnues comme relevant du harcèlement moral : affecter un·e employé·e dans un local exigu, sans chauffage, sans accès aux outils de travail nécessaires, isoler la personne du reste de l’équipe, la critiquer de façon humiliante et régulière, lui attribuer des tâches sans rapport avec ses fonctions, instaurer une obligation de se présenter tous les jours dans le bureau d’un supérieur, modifier les emplois du temps d’un jour à l’autre, de façon répétée et sans nécessité de service, engager des procédures disciplinaires à répétition non justifiées, supprimer sans motif des responsabilités à l’agent·e etc.
II- Quelles en sont les conséquences ?
Le harcèlement au travail peut avoir de lourdes conséquences autant sur la vie personnelle que professionnelle.
Les plus observées (liste non exhaustive) sont :
Une altération de la santé physique ou mentale de l’agent·e qui se traduit par de l’anxiété, des troubles du sommeil, des conduites addictives, des atteintes somatiques, la dépression ….
Une menace pour son évolution professionnelle : manque de confiance en soi, manque de reconnaissance de sa hiérarchie et de ses collègues, motivation altérée …
Les personnes qui dénoncent ou qui combattent le harcèlement moral ne peuvent pas être sanctionnées pour ce motif (articles 6 et suivants de la loi dite Le Pors).
En d’autres termes ni le signalement ni le témoignage de harcèlement ne peuvent être sanctionnés.
En effet, les sanctions sont uniquement autorisées dans l’hypothèse où le dénonciateur est de mauvaise foi, et qu’il fait la dénonciation dans le seul but de nuire, en se basant sur des faits dont il connaît pertinemment l’inexactitude.
Depuis 2015, l’employeur n’est plus responsable de la sécurité des salariés vis-à-vis du harcèlement. Il doit seulement justifier qu’il a pris les mesures nécessaires pour prévenir ou faire cesser le harcèlement (Cass.soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444).
III- Quelques exemples de harcèlement au travail
Comme le définit l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983, ce qui caractérise le harcèlement est la répétition d’agissements dégradant les conditions de travail. C’est bien cette répétition qui permet d’identifier le harcèlement.
Voici quelques situations qui peuvent relever du harcèlement, lorsque les agissements sont répétés sur une période relativement longue (plusieurs semaines, voire plusieurs mois) :
Communication personnelle « privilégiée » (mails, appels, visites…)
Propos ou comportement d’ordre sexuel (parole discriminatoire, geste, comportement, violence)
Jugement sur gestes professionnels (avertissement infondé, pression disciplinaire)
Jugement sur la personne (critique, dénigrement, humiliation publique)
Tâches inappropriées (dévalorisantes ou dépassant ses capacités)
Omission volontaire d’outils de travail (mails non reçus, interdiction de déplacement…)
Nb : Nous abordons peu les violences sexuelles qui entrent également dans le champ du harcèlement car un guide très complet a été publié sur ce sujet par Solidaires, intitulé « Agir syndicalement contre les violences sexistes et sexuelles au travail » .
IV- Quelle est la procédure pour dénoncer le harcèlement ?
Il est essentiel de ne pas rester seul·e, de créer du collectif et d’être soutenu·e et accompagné·e.
1. Prendre conseil et ne pas rester isolé·e
Avant toute chose, nous vous conseillons de vous tourner, en premier lieu, vers des collègues de confiance, vers le syndicat, voire vers des personnels médicaux (médecin de prévention, infirmière scolaire, assistante sociale etc). Il est essentiel de ne pas rester seul·e et d’être soutenu·e et accompagné·e.
2. Signaler le harcèlement
Le signalement se fait auprès du supérieur hiérarchique (N+1) ou du N+2 (supérieur du supérieur hiérarchique si celui-ci est le harceleur présumé (ex : DASEN si l’IEN est harcelant).
En théorie, ce signalement peut conduire, dans un premier temps, à :
un temps de dialogue entre les personnes concernées
une enquête administrative (rassembler des preuves)
la protection fonctionnelle de la victime présumée, le temps de l’enquête.
Si le recours hiérarchique n’aboutit pas, alors l’agent peut saisir le médiateur (académique ou de l’Éducation Nationale), effectuer un recours administratif (contre une décision ou une absence de décision), interpeller la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’ Égalité) ou déposer un recours en contentieux auprès du Tribunal Administratif ou du juge pénal (en fonction de la gravité des faits dénoncés).
Le signalement peut se faire par le fichier RSST ou par un courrier relatant les faits.
Attention : le terme de harcèlement ne doit pas être mentionné. Il est conseillé de se faire aider par le syndicat pour la rédaction de tout écrit et impératif d’en conserver des copies.
Il est complexe de prouver le harcèlement car il revient à la victime d’en apporter les preuves.
Une preuve doit démontrer objectivement le harcèlement, comme par exemple :
Compte rendu de l’agent·e s’estimant harcelé·e avec des faits précis et datés
Témoignages de tierces personnes
Avis médicaux
Autres preuves ( mails, relevés téléphoniques …)
Remarque : il est indispensable de consigner par écrit tous les faits constitutifs du harcèlement dès les premiers soupçons et non a posteriori afin qu’ils soient le plus descriptifs possible.
Si vous pensez être témoin de harcèlement, vous pouvez également compléter une fiche RSST. Pensez à noter et dater tous les faits dont vous seriez témoin. Rapprochez-vous en premier lieu du syndicat pour être accompagné·e.
Dans tous les cas, il ne faut pas rester isolé·e et être accompagné·e. Notre expérience montre que les réponses (si réponse il y a), données par l’administration et la hiérarchie sont généralement insuffisantes, voire contraire à l’intérêt des personnels victimes de harcèlement.
Avant toute démarche, nous vous conseillons de vous tourner vers le syndicat, pour être accompagné·e, écouté·e, soutenu·e et obtenir les aides et conseils les mieux adaptés à votre situation et au contexte.
V – Quelles sont nos revendications ?
Une réelle campagne de formation et de sensibilisation comme le prévoit la circulaire n°2007-047
Un dispositif de signalement efficace accompagné de moyens humains.
La protection et l’accompagnement des victimes
Des sanctions à la hauteur des actes
Stop au déplacement des personnes maltraitantes !
Sources :
Circulaire n°2007-047
Guide Agir syndicalement contre les violences sexistes et sexuelles au travail (Solidaires)
Fiche « Harcèlement Moral » Solidaires : https://onadesdroits.solidaires.org/fiche-n-24/
INSEE – conditions de travail 02/07/2020