Déclaration de SUD Éducation 34 à la CAPD du 20 juin 2019

jeudi 20 juin 2019
par  Sud éduc 34

Monsieur le Directeur Académique,

Nous, enseignant-es du premier degré, en tant que priorité du Ministre et de ce gouvernement, avons le triste privilège de subir l’ambition proclamée de transformer le pays en Start Up Nation : dématérialisation, formations à distance, nouveau logiciel pour le mouvement... Malheureusement, la communication, aussi puissante, aussi bien construite soit-elle, n’est rien sans actes ni moyens.
Nous le constatons douloureusement à ce moment charnière de l’année, lorsque survient la période des mutations.

Nous ne pensons pas exagérer en qualifiant ce mouvement de délirant. Citons pour rappel : 
 - un nouveau logiciel fourni à la va-vite, réceptionné par les personnels administratifs en plusieurs fois ;
 - une formation pour le prendre en main nettement insuffisante ;
 - les délais tardifs de communication des éléments précédents, pratiquement à quelques semaines du début du calendrier du mouvement ;
 - des postes particuliers étiquetés "polonais", afin, dit-on, de pouvoir les repérer plus facilement ;
 - l’incroyable difficulté pour comprendre le jeu de chaises musicales qui s’opère dans les écoles de REP et REP+ entre les postes d’adjoints élémentaires et les postes dédoublés, au gré des fluctuations d’effectifs...

Nous ne pensons pas exagérer non plus en soulignant les problèmes de communication, de la part de l’administration, et de la part d’organisations syndicales :
 - envoi plus que tardif des accusés de réception des barèmes ;
 - par conséquent, un délai de correction desdits barèmes extrêmement réduit ;
 - une communication de demandes de corrections et de relance de l’algorithme limitée entre l’administration et une organisation syndicale, le Snuipp34 ; alors que ce genre de décisions touche tous les personnels, et donc devrait concerner l’ensemble des organisations représentatives ;
 - la divulgation d’un document de travail par le Snuipp34, au mépris de l’obligation de discrétion qui nous est faite par le règlement intérieur de la CAPD, signé par tous les représentants du personnel lors de leur installation.

Chaque syndicat choisit librement sa stratégie pour se faire connaître et communiquer auprès des enseignant-es, mais il est absolument intolérable de le faire en rendant publiques des données confidentielles (barème, affectation actuelle et potentiellement future).
Nous avons toutes et tous subi les conséquences de ce "pré-mouvement" organisé unilatéralement par le Snuipp34 : les commissaires paritaires par un afflux massif de demandes de confirmation des affectations ; les collègues par un incroyable ascenseur émotionnel, insupportable pour certains.

Sud éducation 34 ne peut évidemment pas se targuer d’être le syndicat majoritaire, ni le plus représentatif dans le département, et nous n’avons certainement pas une « armée » de permanents pour retranscrire les documents de travail à des fins de publication... Et pourtant nous avons une spécificité qui nous rend unique et nous permet d’apporter des éléments de comparaison intéressants : nous syndiquons dans l’ensemble de l’Éducation Nationale, de la maternelle à l’université.
Cela signifie que nous savons comment se passe le mouvement pour le second degré, et puisque nous semblons avoir un mouvement qui devient aussi complexe que le leur, nous nous proposons de partager cette expertise avec vous :  
 - dans le second degré, le tableau synoptique est fourni avec les documents de travail depuis des années ; et aucune organisation syndicale n’a jamais eu l’idée saugrenue de le publier. Chacun est conscient de l’aspect brut et provisoire de ce document, et se concentre plutôt sur l’analyse de celui-ci à des fins de corrections, modifications, chaînes, pour obtenir en CAPA un mouvement le plus juste possible.
 - dans le second degré, les documents de travail s’accompagnent d’une "fiche-navette", une sorte de formulaire type fourni par l’administration et utilisé par les organisations syndicales pour soumettre une proposition de modification. Tout le monde utilise la même fiche, chaque proposition est envoyée à tous les représentants et à l’administration. Si cette dernière valide la demande, alors chaque organisation en est informée et peut ainsi intégrer les corrections au fur et à mesure.
 - le jour de la CAPA est consacré aux toutes dernières corrections, et à la validation officielle des précédentes.

Cette année, dans les conditions actuelles de calendrier, de transmission d’outils (le logiciel) et de documents (à transmettre après la relance de l’algorithme), nous pouvons affirmer que le droit à la mobilité des fonctionnaires, pourtant garanti par le loi n° 83-634, est bafoué. La politique portée par ce gouvernement ne peut s’affranchir du droit ni des lois, qu’il s’agisse du droit de manifester (interpellations abusives de collègues), du droit d’exprimer son opinion (article 1 de la loi Blanquer), du droit à la mobilité.
Rappelons qu’en France, le statut du fonctionnaire a été pensé, après la seconde guerre mondiale et jusque dans les années 1980 (Loi Le Pors de 1983) comme l’une des bases de la démocratie et du bien commun qui fonde l’État et ses lois garantes des libertés individuelles et collectives. Le fonctionnaire pour réussir cette mission déterminante, a besoin pour cela de trois garanties :

- d’abord, la stabilité de son emploi : un agent de l’État doit considérer sa carrière entière comme stable et sereine pour que sa vision des enjeux soit globale et sa motivation totale.

- ensuite, une rétribution à hauteur de sa mission : il doit être à l’abri de toute tentation de favoritisme, de servir d’autres intérêts qu’ils soient ceux du mercantilisme, idéologiques ou même les siens propres. Un fonctionnaire ainsi garantira sa mission laïque, préservée de tout risque de corruption. C’est pour cela qu’un fonctionnaire ne peut être rémunéré en dehors de ses missions dans la fonction publique, sauf autorisation spéciale de sa hiérarchie.

- enfin, un statut qui le protège : chaque fonctionnaire doit être à l’abri de toute influence intrusive, c’est ce statut qui garantit sa neutralité et sa liberté de conscience afin qu’il puisse travailler sans être inquiété par les orientations politiques des gouvernements qui se succèdent. C’est pour cela aussi que des règles précises garantissent sa mobilité.

La loi qui se prépare concernant les fonctionnaires, met à mal ce statut, et ainsi fragilise la démocratie.
Vous allez nous répondre : "Qu"y puis-je ? ça ne dépend pas de moi, ce sont des décisions au niveau national ; voyez ça avec vos instances nationales !"

Certes. Toutefois, vous y pouvez aussi, localement. 

En effet, ces coups de boutoir contre le statut de la fonction publique, vous les amplifiez localement.
Par la multiplication des postes "PEP" et "PAP", vous contribuez à l’affaiblissement de notre statut : les mutations devraient obéir à des règles, pour éviter le favoritisme, ou les intérêts particuliers. Les PAP et les PEP dérogent aux règles communes, et donc contribuent au démantèlement de notre statut. 
Votre obstination à conserver, par exemple, les classes dédoublées en PEP en devient suspecte. C’est bien dommage, car cela nuit, d’une part, à la confiance que les collègues portent à l’institution, et d’autre part, d’un strict point de vue pragmatique, cela complexifie sans raison le mouvement, ce dont, à notre avis, les services se seraient bien passé...
Les professeurs en poste sont lauréats d’un concours, signe que l’institution a reconnu leur expertise dans le domaine de l’enseignement. Faites-leur donc confiance, comme le répète à l’envi notre Ministre, et si vous voulez avoir sur les postes dédoublés les personnels les plus qualifiés, c’est simple : formez-les !

Considérant tout cela, déduisant que les agent-es et leurs représentant-es sont méprisés par les conditions qui leurs sont faites quant au respect de leurs droits, particulièrement le droit à la mobilité, puisque ce matin, nous étions toujours dans l’attente des nouveaux documents de travail, à 6 heures du début de la CAPD, nous demandons solennellement le report de la CAPD mouvement. Nous souhaitons exercer nos mandats de représentants des personnels dans le respect des règles : transmission des documents huit jours avant la tenue de la réunion, respect de l’obligation de discrétion qui nous est faite, création d’un système de fiche-navette pour intégrer les corrections au fur et à mesure.

Pour terminer, nous souhaitons nous projeter vers la rentrée. Les conditions de déroulement de ce mouvement, que ce soit pour les personnels en attente d’une mutation, ou le personnel administratif qui a fait de son mieux avec ce qu’on lui a donné, ont engendré énormément de stress et d’angoisse. Les résultats promettent également de grandes déceptions et difficultés pour celles et ceux qui vont être affectés autoritairement sur des postes non désirés, par une affectation provisoire, ou par la conséquence des voeux MUG obligatoires.
Nous espérons vivement que le groupe de travail académique évoqué dernièrement pour améliorer le service de médecine de prévention va se tenir et aboutira à un renforcement conséquent de celui-ci, car il est à craindre une vague d’arrêts maladie à la rentrée, lorsque de nombreux collègues ne supporteront pas leur nouvelle affectation.
Mais peut-être sera-ce une superbe occasion de recruter des contractuels, pour un gouvernement partisan de la destruction des services publics ?

Les élu-e-s SUD éducation en CAPD de l’Hérault


Documents joints

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