Deux années scolaires avec Robert Ménard

mardi 27 septembre 2016
par  Sud éduc 34

Béziers est gérée depuis un peu plus de deux ans par l’extrême droite. Les attaques contre l’école sont légion. Elles nous montrent la haine vouée au Service Public d’Éducation ainsi que les idées qui se profilent à l’horizon…
Au fil des jours...

Deux années scolaires avec Robert Ménard

La blouse : la nostalgie de l’école d’antan

La municipalité biterroise achète dès son arrivée de quoi équiper toutes les écoles biterroises privées ou publiques sans avoir consulté ni parents ni enseignants. Ces blouses portent le nouvel écusson de la ville. Seule une école privée les réclame. Tous les conseils d’école des écoles publiques sont alors sollicités à plusieurs reprises pour mettre à l’ordre du jour le port de la blouse. Aucun conseil d’école ne vote le port de la blouse.

Peu importe, il s’agit de créer le buzz et de cultiver la nostalgie de l’école de Jules Ferry, école de la ségrégation sociale : école primaire pour le peuple et école secondaire pour l’élite. Le port de la blouse n’est là que pour un semblant d’égalité. La municipalité biterroise a su faire avancer l’idée d’un retour à la blouse. En cette rentrée 2016, BFM organise un sondage sur le port de la blouse. Le débat sur l’égalité, lui, recule.

Les rythmes scolaires : beaucoup de bruit et puis plus rien !

Le premier magistrat de Béziers déclare avec fracas dès son arrivée qu’il n’appliquera pas la réforme des rythmes scolaires. Mais sa volonté s’effrite bien vite ! Des négociations avec l’administration sont fructueuses.

La municipalité de Béziers est autorisée à appliquer la réforme progressivement. L’administration propose de financer des heures d’accompagnement éducatif pour toutes les écoles où les rythmes scolaires ne sont pas encore appliqués. L’ancienne municipalité biterroise avait budgétisé la somme de 400 000 euros. Mais ces 400 000 euros disparaissent. La somme aurait pu être affectée aux écoles qui en ont tant besoin. C’est le double jackpot pour le maire de Béziers. Il n’applique que progressivement la réforme et c’est de plus 400 000 euros qui tombent dans l’escarcelle du premier magistrat de Béziers. Les convictions politiques de la commune s’effacent donc bien vite devant le dieu argent.

Des statistiques scolaires aux statistiques ethniques, jusqu’à l’impossibilité du vivre ensemble

64 %, ce pourcentage est devenu célèbre en pays biterrois. A la tête de la ville ,on aime la statistique et on la manie avec rigueur et discernement. A la seule lecture des prénoms, le premier édile de la ville en déduit le pourcentage d’élèves issus de l’immigration dans les écoles ainsi que la confession de ces élèves. L’affaire a fait grand bruit nationalement. Elle a un retentissement encore bien plus grand sur la ville. Robert Ménard réitère ses propos tenus dans l’émission « mots croisés » et les étaient dans le journal municipal (n° 13 /Mai 2015) : « La République ne doit plus cacher ses chiffres » (en couverture) propos proche de l’idée d’un complot. « Un afflux d’immigrés a des conséquences. Pour une ville comme Béziers, cela veut dire 100 élèves de plus par an dans les écoles. Quatre classes ! Exemple au hasard. » (page 3). L’éducation des enfants issus de l’immigration coûte donc trop cher ! « Les statistiques ethniques renforceraient la démocratie. Elles permettraient aux citoyens de faire leur choix politique en toute connaissance de cause. » (Page 3). Le premier magistrat de Béziers poursuit sa logique en cette rentrée 2016. Une nouvelle statistique : 91 % d’élèves musulmans dans une classe à Béziers. Il ajoute : « Le vivre ensemble n’est qu’une invention ». Que propose-t-il alors ? L’apartheid ?

Enseignants : « petits cons »

Lors de la pause méridienne, les enseignants de l’école Georges Sand à Béziers partagent leur déjeuner en salle des maîtres. Le maire vient leur rendre visite. Après lui avoir dit bonjour, un des enseignants refuse de lui serrer la main. Robert Ménard l’a alors traité de « petit con » et a menacé de lui donner deux gifles.
La justice vient de condamner le Maire de Béziers. Les enseignants d’Histoire ne sont pas mieux traités : à leur propos le Maire de Béziers écrit : « La nature de leur structure intellectuelle : refus du débat, refus de la confrontation des idées […] Ils ne sont pas attachés à la rigueur de la démarche historique. Ils font de la politique ».

La plus grande école de Béziers proposée à des promoteurs immobiliers

L’affaire est moins connue du grand public. La municipalité s’est faite ici plus discrète.
Dans la presse locale, le maire de Béziers annonce dans un premier temps la volonté de découper un groupe scolaire du centre-ville, sans d’ailleurs en informer personne ni les parents ni les enseignants. Il s’agit du groupe scolaire Gaveau-Macé. La municipalité évoque alors l’idée d’une école trop grande. Puis, vont circuler de nombreuses informations et rumeurs sur l’avenir de cette école. Mais les enseignants découvrent sur le site de la mairie que l’école fait l’objet d’un appel à projet immobilier : « La commune de Béziers souhaite réaliser une opération immobilière de reconversion du groupe scolaire Gaveau-macé et de L’îlot Saint-Jacques » Ces deux îlots présentent l’opportunité d’un projet urbanistique d’envergure, précisent l’appel à projet.

Pourquoi la municipalité biterroise s’intéresse-t-il à cette école ? Elle est construite sur le plus bel emplacement urbain : la vue est imprenable et unique sur les bas quartiers de la ville, l’Orb, la plaine et le Mont Carroux. L’école offre une surface conséquente de 4548m2.
La présence de l’école contrarie le plan de rénovation d’une partie de la ville qui va de la cathédrale au quartier Saint-Jacques. Mais, aucune surface n’est disponible pour une reconstruction et les autres écoles du centre débordent. L’audit engagé par la municipalité n’a pu trouver de solutions.
Le projet est en définitive abandonné. Mais la municipalité rechigne à faire une déclaration publique. L’adjointe aux affaires scolaires déserte les derniers conseils d’école. L’école est donc aussi à Béziers une affaire immobilière.

En deux ans et quelques mois la liste est déjà longue mais non exhaustive.

Enseigner à Béziers, c’est aussi tout un climat quotidien

Le journal municipal est omniprésent. Il est tiré à de 44 000 exemplaires pour une population de 80 000 habitants, ce qui couvre largement tous les foyers biterrois. Il est difficile de ne pas le trouver. Il paraît tous les quinze jours. Quelques grands titres en couverture peuvent donner le ton : « 64 %-Ils arrivent » - « Noël notre identité » – « Social : maintenant, on aide ceux qui en ont vraiment besoin ! » - « Ils sont contre Ménard, Israël, l’Islamophobie qui sont ces militants de la haine à Béziers ? ». Beaucoup de photos et de gros titres à chaque page. Peu de texte. L’auto-satisfecit est permanent. Les attaques de personnes les calomnies sont légion. L’image des femmes est particulièrement soignée : souvent en petite tenue, aguicheuse et tenant des propos niais.

« Béziers libère la parole »

Ainsi s’intitule le cycle de conférences municipales. Périodiquement la ville est pourvue de grands panneaux publicitaires annonçant l’événement. Difficile de ne pas être au courant la couverture médiatique est importante. Tous les penseurs de l’extrême droite sont invités, penseurs connus : Phillipe de Villiers, Eric Zemmour, Philippe Bilger et moins connus Bernard Lugan, Denis Tillinac. En cette rentrée 2016, Jean Frédéric Poisson est invité pour présenter son dernier livre : « Notre sang vaut moins cher que leur pétrole ». Sans commentaires. A Béziers, il y a matière à se faire une culture d’extrême droite.

Sous la plume des enseignants

Des enseignants ont pris leur plume à plusieurs reprises. Leurs mots disent la difficulté d’enseigner à Béziers tant notre éthique professionnelle est mise à mal. La première lettre est celle des enseignants du collège Krafft suite à l’affaire « du fichage ». Les enseignants s’adressent à Robert Ménard : « Nous rejetons, nous refusons et n’acceptons pas ces affirmations médiatiques qui atteignent nos valeurs à transmettre, qui abîment nos élèves, nos enfants, notre incessant travail de concorde […] Il n’y a pas d’élèves en trop dans notre établissement. Chacun a sa place et une place est réservée à chacun. »
Deux enseignantes de l’école Georges Sand s’adressent à la Ministre de l’Éducation après l’agression de leur collègue traité de petit con. Elles s’interrogent ainsi : « Devons-nous toujours interdire tout jeu violent à l’école, quand M. Ménard expose partout aux abord des écoles des affiches faisant l’apologie des armes à feu ? [...] Devons-nous encore défendre précieusement cette valeur hautement fondamentale qu’est la laïcité, quand Robert Ménard se vante d’avoir réalisé un fichage ethnique et religieux ? »

Reconstruire le passé

La commune biterroise refait l’histoire, « la vraie Histoire ». Des gaulois à l’Algérie Française en passant par l’Empire Romain, Charles Martel, 14-18 et Jean Moulin, le Maire de Béziers réécrit l’Histoire. Il faut lire à ce propos la lettre des enseignants d’Histoire – Géographie publiée le 15 Janvier 2016 dans Midi-libre.

Faire avancer des idées d’extrême droite

Cette municipalité d’extrême droite n’a pas d’autre projet que celui-ci. : faire avancer des idées. Quelles idées sur l’école ? :

- Il y a trop d’élèves issus de l’immigration dans nos écoles. De surcroît ce sont des musulmans (puisque les prénoms disent les confessions). Et l’école coûte cher. La France dépense donc trop pour ces enfants- là.
- Les enseignants sont indisciplinés et font de la politique. L’école de Jules Ferry, école de la ségrégation sociale est un modèle. Le vivre ensemble est impossible donc une école pour tous est donc aussi impossible. L’histoire enseignée à l’école n’est pas la bonne. Et les enseignants d’Histoire font de la politique. Sur le plan National, tous les médias alimentent les buzz. Les réseaux sociaux sont largement utilisés. Un colloque en Mai dernier rassemble tous les grands noms de l’extrême droite à Béziers. Ce colloque a un objectif clairement annoncé : éditer des propositions au cas où la droite reviendrait au pouvoir .
En ce qui concerne l’Éducation :
- Mise en place du chèque scolaire pour donner aux familles le libre choix de l’école .
- Fin du statut de fonctionnaires pour les ministères non régaliens.
- Liberté donnée aux universités de sélectionner à l’entrée leurs étudiants quelque soit le cycle.
- Suppression du collège unique.
- Élargissement des bourses au mérite.
- Recentrer les programmes des écoles sur le lire, écrire, compter, connaître l’histoire et la géographie de la France.

Quel projet pour l’école à Béziers ? Une école pour les banlieues et une école pour l’élite.

Dans son programme électoral, la municipalité biterroise l’avait déjà indiqué . Elle souhaite aider à la création d’une école qui faciliterait l’intégration des jeunes à la culture française, au monde du travail. « Une telle école existe déjà en France à Montfermeil en banlieue parisienne : l’école Alexandre Dumas. »
Il s’agit d’une école hors contrat initiée et financée par la très réactionnaire « Fondation Espérance banlieue » où sont accueillis des élèves de classes populaires. On y porte l’uniforme, on pratique la levée de drapeau le matin. Elle est très médiatisée et elle commence à intéresser de nombreuses communes…

[MàJ 14.03.2017] : Un article de La Marseillaise annonce la création d’une école sur le modèle de celles de la Fondation Espérance Banlieues. Ce projet a été présenté au Conseil municipal de Béziers du 28 février, et prévoit son installation sur le site de Saint Jean d’Aureilhan.

Et pour les autres

Le journal municipal biterrois (n°21/ Octobre 2015) nous donne une indication. Une page entière est consacrée à « l’École Nouvelle Internationale » qui a ouvert ses portes en Septembre 2015. C’est une école hors contrat, pas à la portée de toutes les bourses : 3400 euros d’inscription pour une année scolaire. C’est la pédagogie Montessori qui est mise à l’honneur dans cette nouvelle école.