Déclaration de SUD éducation au CNESER du 17 septembre 2019

jeudi 19 septembre 2019
par  Sud éduc 34

Le Ministère CONTRE le service public d’enseignement supérieur et de recherche

Madame la ministre,
En cette rentrée 2019 comme lors des précédentes, les personnels du service public d’enseignement supérieur et de recherche remplissent quotidiennement leurs missions de formation, et de développement et diffusion de la recherche, au service des usagers et de la collectivité. Elles et ils le font avec détermination, expertise et fierté.

Toutefois, elles ils n’accomplissent pas ces missions grâce au soutien de votre ministère, mais plutôt en dépit des politiques que vous menez depuis deux ans, qui s’inscrivent d’ailleurs dans la continuité des ministres qui vous ont précédé :
- réduction ou inadéquation de la dotation budgétaire des établissements ;
- blocage des plafonds d’emplois et des rémunérations ;
- restructuration constante du périmètre des établissements ;
- imposition de structures de gouvernance centralisées et autoritaires ;
- mise en concurrence des établissements, formations, équipes et personnels ;
- fin de l’orientation choisie dans l’enseignement supérieur ;
- remise en cause du cadre national des diplômes.
Au mieux, ces politiques constituent des obstacles au bon accomplissement des missions de service publics :
- les agents administratifs et techniques s’épuisent à accomplir la tâche de plusieurs personnes et subissent l’indignité de primes inégalitaires et soumises à l’arbitraire des chefs de service ;
- les contractuel·le·s sont aussi brutalement parachuté·e·s dans des services, composantes et équipes qu’elles et ils en sont ensuite renvoyé·e·s ;
- les enseignant·e·s voient le contenu disciplinaire de leurs formations se réduire et les effectifs des TD toujours s’accroître sous l’effet des contraintes budgétaires ;
- les vacataires accumulent des heures de cours rémunérées à un niveau inférieur au SMIC, sans perspective de sortie de la précarité ;
- les chercheurs et chercheuses perdent un temps de travail précieux à répondre à des appels à projets abscons qui constituent un gaspillage grotesque de l’argent public.
C’est ainsi que votre ministère, dans la continuité de vos prédécesseurs, fait dysfonctionner le service public en épuisant les personnels, en brisant la continuité du service public et en asphyxiant les personnels sous un empilement bureaucratique.
Cependant, c’est là une appréhension relativement bénigne de votre action, qui ne serait caractérisée que par une insuffisance des moyens alloués au service public d’enseignement supérieur et de recherche. Il semble plus juste de voir, dans les politiques de votre ministère et du gouvernement en place, une entreprise de destruction du service public :
- Le périmètre du service public se réduit, lorsque via Parcoursup vous actez la fin de l’orientation choisie et jetez des dizaines de milliers d’étudiant·e·s dans les bras du secteur privé.
- L’attrait de ce secteur privé s’accroît, lorsque les efforts déployés quotidiennement par les personnels du service public ne suffisent plus à compenser les effets délétères de l’austérité sur le patrimoine immobilier des établissements, le taux d’encadrement et l’offre de formation.
- Le service public d’enseignement supérieur et de recherche est cependant miné également de l’intérieur, lorsque votre ordonnance de l’automne dernier facilite une recomposition qui brouille les frontières entre établissements privés et publics, encourage les établissements à sortir du cadre national des diplômes, et promeut une gouvernance autoritaire des regroupements par des président·e·s bien éloigné·e·s de leurs collègues.
- Le service public est affaibli lorsque les plafonds d’emploi verrouillés et l’absence de moyens conduisent à l’externalisation de services entiers, lorsque les équipes de recherche privées de financements structurels se retrouvent à la merci des intérêts marchands, lorsque les personnels sont soumis à la discipline inepte mais brutale des appels d’offre.
- Le service public est trahi lorsqu’à travers l’inique programme « Bienvenue en France », les valeurs d’accueil et de solidarité sont remises en cause, comme on en voit aujourd’hui les effets quand des directions d’université exigent des titres de séjour pour inscrire des étudiant·e·s.
- Le service public est enfin privé des personnes qui le font vivre, lorsque les personnels sont gagnés par l’épuisement professionnel, par le découragement et le dégoût à l’égard d’une profession et d’un service public dont elles et ils ont fait le choix et dont elles et ils ne reconnaissent plus les principes égalitaires et émancipateurs.
Il serait donc plus juste, Madame la Ministre, de renommer votre ministère le Ministère CONTRE l’enseignement supérieur et la recherche. Pour ce qui nous concerne, Madame la Ministre, soyez assurée que dans ce CNESER comme dans nos établissements et dans la rue, nous continuons de nous battre pour un service public d’enseignement supérieur et de recherche égalitaire et émancipateur.

Déclaration au CNESER du 17 septembre 2019