Circulaire de rentrée : des paroles semées au vent  ?

lundi 24 juillet 2023
par  Sud éduc 34

Communiqué de SUD éducation
Dimanche 9 juillet 2023

La circulaire de rentrée 2023, publiée le 6 juillet, illustre la politique du ministre Pap Ndiaye qui tend à donner à son projet libéral pour l’éducation une teinte progressiste

La circulaire confirme ainsi d’une part une revalorisation individualisée et inégalitaire des personnels par le biais du pacte et un financement de plus en plus concurrentiel des écoles et des établissements, lié à des appels à projets, sans aucune annonce ambitieuse en faveur de l’éducation prioritaire. L’hégémonie des savoirs fondamentaux y est réaffirmée et l’influence du monde de l’entreprise sur l’éducation est renforcée par la réforme du lycée professionnel et la découverte des métiers au collège.

D’autre part, elle accorde une place importante aux formulations progressistes portées par SUD éducation : contre le racisme et les discriminations, pour l’épanouissement des élèves, pour l’éducation à la sexualité et pour l’adaptation de l’école aux enjeux écologiques.

SUD éducation se montrera particulièrement attentive aux moyens qui seront accordés pour assurer la mise en œuvre des ambitions affichées afin qu’elles ne servent pas de vitrine respectable à la politique de casse du service public d’éducation.

Des mots faciles, des mots fragiles

Rien ne serait pire que de constater que les grands discours émancipateurs et protecteurs ne sont que les habits neufs d’une politique éducative qui persiste à reproduire les ségrégations sociales et qui échoue à réduire les inégalités.

SUD éducation l’affirme donc sans détour : les personnels ne céderont pas aux sirènes de ce discours émancipateur et jugeront sur pièce les résultats des ambitions ministérielles. La lutte contre les inégalités sociales et scolaires ne peut en effet se limiter à des labellisations, à une extension des « dispositifs d’excellence » (comme les classes à horaires aménagés ou les classes bilangues) ou à une convention très complaisante avec les établissements privés sous contrat.

Cette crainte que les nouveaux éléments de langage de l’Éducation nationale ne se traduisent que par un saupoudrage de mesures inefficaces est d’autant plus vive que, dans le même temps, la circulaire de rentrée confirme la feuille de route des grands chantiers dénoncés par l’ensemble des organisations syndicales : l’accent est ainsi de nouveau mis sur les missions complémentaires proposées dans le cadre du pacte ou du « Conseil national de la refondation » et la réforme décriée du lycée professionnel, qui se traduit par une augmentation du temps de stages et des fermetures de filières, n’est absolument pas remise en cause. La généralisation du dispositif de “découverte des métiers” dès la cinquième tend à imposer davantage l’entreprise dans le temps scolaire au détriment des enseignements et d’autres projets favorisant l’’ouverture culturelle et l’épanouissement des élèves.

La confiance affichée envers les projets des équipes pédagogiques, enfin, masque à peine la généralisation de la concurrence en matière de financement entre les écoles et les établissements, qui a déjà largement fait la preuve de sa nocivité dans l’enseignement supérieur avec la multiplication des « initiatives d’excellence ».

Un épanouissement en trompe l’œil

Le volet de la circulaire de rentrée consacré à l’épanouissement des élèves met quant à lui le ministre dans une position d’équilibriste puisque les préoccupations écologiques, l’éducation à la sexualité et l’attention portée à la santé mentale des élèves vont de pair avec la mise en place des « Classes et Lycées engagés » pour promouvoir le Service national universel ou avec une autosatisfaction hypocrite en matière d’accompagnement des élèves en situation de handicap. À ce titre, le ministre affiche un calendrier à rebours des revendications des personnels : si les AESH devront encore attendre pour voir leur métier réellement reconnu et valorisé et s’il faudra attendre 2024 le nouveau programme d’enseignement moral et civique intégrant les questions de transition écologique (sans assurance qu’y soient interrogées réellement les causes du réchauffement climatique), c’est bien dès 2023 que seront programmés des « séjours de cohésion » sur temps scolaire dans le cadre du SNU. SUD éducation réaffirme ses revendications d’abrogation pure et simple du SNU et de reversement des fonds alloués dans le service public d’éducation. Le SNU est en effet une entreprise de militarisation de la jeunesse, qui permet le déploiement des idées nationalistes et met en danger les jeunes mineur·es accueilli·es. De nombreux cas de maltraitances et de violences sont relevés à chaque séjour sans exception, dont des agressions sexuelles et viols, des propos racistes et homophobes.

Appauvrissement de la formation et renforcement de la logique évaluative

Enfin, l’accent mis sur les « savoirs fondamentaux » conduit à l’extension au collège des plans mathématiques et français déjà mis en place dans les écoles et qui se sont traduits par un appauvrissement considérable de la formation continue des enseignant·es du premier degré. La logique consistant à fournir coûte que coûte des données quantifiables pour permettre l’évaluation du système éducatif se poursuit elle aussi et les évaluations nationales de CP et de CE1, dont le contenu et les conditions de passation ont déjà fait l’objet de nombreuses critiques, seront ainsi imposées également en CM1 à la rentrée 2023. SUD éducation revendique l’abandon de ces évaluations nationales standardisées, vides de sens et cause d’une dégradation des conditions de travail et d’étude pour les élèves et les personnels. De même, alors que l’enseignement de la technologie a été supprimé en sixième, le ministre veut généraliser la certification “Pix” en sixième restreignant l’éducation au numérique à son usage standardisé.

S’il veut vraiment faire la preuve qu’il ne se limite pas à faire du « safe-washing » des politiques éducatives, le ministre doit donner des moyens à la réduction des inégalités. Cela passe notamment par des efforts massifs en faveur des quartiers populaires, par la réintégration des lycées dans l’éducation prioritaire, par la baisse du nombre d’élèves par classe et par le recrutement massif de personnels, qui ne pourra se faire que par une revalorisation salariale sans condition. Le “bien être” des élèves ne peut être envisagé sérieusement sans moyens à la hauteur des enjeux et des besoins pour respecter un droit à une scolarisation digne pour tous et toutes les élèves.

Circulaire de rentrée : des paroles semées au vent  ?