L’interruption volontaire de grossesse : un droit fondamental

jeudi 7 septembre 2023
par  Sud éduc 34

Tract de SUD éducation
Samedi 2 septembre 2023

Partout dans le monde le droit à l’avortement est attaqué par le système patriarcal. Pour paraphraser Simone de Beauvoir, Il suffit d’une crise économique, politique ou religieuse pour que le système patriarcal remette en question les droits des femmes. Aux États-Unis, quatorze Etats ont interdit l’avortement après la décision de la Cour suprême du 24 juin 2022. Il est interdit en Pologne et menacé en Hongrie et dans d’autres pays comme l’Italie.

En France, près d’une femme sur trois a recours à l’avortement au cours de sa vie. 223 300 interruptions volontaires de grossesse (IVG) y ont été enregistrées en 2021. Chaque année, sur 1 000 jeunes de 12 à 14 ans enceintes, 770 ont recours à une IVG. Le droit à l’avortement est un droit légitime et nécessaire pour l’égalité des femmes et des hommes. Ce droit est pourtant remis en cause en France, car si la loi permet théoriquement d’avorter, dans les faits les obstacles restent nombreux : les fermetures de centres IVG, le maintien de la clause de conscience, la transphobie ou encore les pénuries de pilules abortives entraînent des inégalités fortes en termes d’accès à l’IVG.

Suite au recul des droits des femmes aux Etats-Unis, il a été proposé d’inscrire le droit à l’avortement dans la constitution en France. Le texte « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse » a été adopté à l’assemblée nationale en novembre 2022 et au sénat en février 2023, mais cela n’est toujours pas inscrit dans la constitution. Lors des débats, le terme de “droit” a été remplacé par celui de “liberté”. Le droit à l’IVG n’est donc pas protégé des changements législatifs à venir, notamment en cas d’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Avec la formulation proposée par les sénateurs et la droite, le texte voté au parlement exclut également les hommes trans. La proposition de constitutionnalisation qui est faite aujourd’hui n’accorde donc aucune garantie à venir sur le droit à l’IVG. Le parlement européen a également proposé d’inscrire le droit à l’avortement dans la charte des droits fondamentaux de l’UE en juillet 2022. Cependant de nombreux États membres sont ouvertement anti-IVG et affichent une politique de recul des droits des femmes et des personnes LGBTQIA+.

La LOI n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement allonge de deux semaines le droit à l’IVG qui passe de 12 à 14 semaines. Mais dans d’autres pays, ce délai est bien plus long : il est de 22 semaines aux Pays-Bas et de 24 semaines au Royaume-Uni. Il n’y a pas de délai maximal au Canada.

Un droit malmené

Le droit effectif à l’avortement est malmené en France depuis plusieurs années à cause de la baisse des moyens alloués par les pouvoirs publics. Le Planning Familial estime que 130 centres IVG ont été fermés ces quinze dernières années. Ces fermetures créent de grandes inégalités dans l’accès à l’IVG en fonction des lieux de résidence mais également du niveau social des femmes.

Les pénuries répétées de pilules abortives participent également à limiter l’accès à l’IVG. En France, un seul laboratoire produit ces pilules : les associations féministes demandent depuis longtemps de revenir sur ce monopole et/ou de nationaliser la production de ces pilules, qui constitue un enjeu majeur de santé publique.

Contre la clause de conscience spécifique sur l’avortement

De nombreux professionnels de santé invoquent la clause de conscience spécifique sur l’avortement. Elle a été instaurée par la loi de 1975 : l’Article L2212-8 du Code de la Santé Publique stipule qu’« un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ». Rappelons que cette clause fut le résultat d’un compromis pour faire accepter, en 1975, la loi sur l’avortement, farouchement combattue par les réactionnaires. Pourtant, une clause de conscience générale existait déjà : « Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. » (Article R4127-47 du Code de la Santé Publique).

L’IVG ne constituant pas un acte médical à part, la clause de conscience spécifique n’a pas lieu d’être. Elle représente une discrimination dans l’accès aux actes médicaux et une stigmatisation par le corps médical. De plus, nous ne sommes plus en 1975, où il a fallu arracher le droit à l’avortement par une lutte acharnée. Il est donc largement temps de supprimer cette double clause de conscience d’un autre âge, tout en maintenant l’obligation de communiquer le nom d’autres praticiens.

La clause de conscience spécifique à l’IVG peut être invoquée dans 23 pays européens dont la France mais elle n’existe pas en Suède, Finlande et Lituanie. Sa suppression était présente dans le texte initial de la loi du 2 mars 2022 mais n’a pas été retenue.

L’extrême droite, ennemie des droits des femmes

Par ailleurs, l’extrême droite menace partout les droits des femmes et minorités de genres, et notamment le droit fondamental de décider d’enfanter ou pas, quand et avec qui.

En France, Jean-Marie Le Pen qualifiait l’IVG de « génocide anti-français » (une formule reprise en 2018 par la future députée Rassemblement National Caroline Parmentier), et Marion Maréchal proposait encore en 2017 de le dérembourser. En 2022, le RN s’est opposé à l’allongement des délais pour avorter, et n’a pas fait mystère de sa position conservatrice sur la clause de conscience. Au parlement, Il a également largement participé à vider le projet de loi portant sur la constitutionnalisation du droit à l’IVG en tenant des positions femonationalistes.

Plus récemment, l’extrême droite française s’est illustrée en 2023 avec une violente campagne contre le Planning Familial, qui avait édité une affiche sur les droits reproductifs des hommes trans, ou encore avec des sorties natalistes glaçantes pendant la réforme des retraites (le député RN Sébastien Chenu indiquait en février à France Inter : « Moi, je préfère qu’on fabrique des travailleurs français plutôt qu’on les importe. »).

En Europe, en 2020, puis en 2021, la grande majorité des députés européens RN ont voté contre deux résolutions européennes condamnant l’interdiction — presque totale — du recours à l’avortement en Pologne. La conservatrice maltaise Roberta Metsola, présidente du Parlement européen depuis janvier 2022, assume également sa position contre l’IVG.

Il faut donc rester très vigilant⋅es et contrer ces manœuvres qui visent à cantonner les femmes à une fonction procréatrice et au service de leur famille.

L’éducation aux sexualités

Pour ce faire, il faudrait, entre autres, que l’éducation aux sexualités soit effective dans le système scolaire. L’information ainsi que l’accès réel à la contraception, à la contraception d’urgence et à l’IVG sont nécessaires pour permettre à chacun et chacune de disposer de son corps. Les droits des femmes à disposer de leur corps sont des droits fondamentaux qui sont pourtant remis en cause.

Pour le droit à l’avortement, réaffirmons que :

- L’avortement est un choix et un droit qui doit être constitutionnalisé pour toutes ;
- Les délais légaux pour avorter doivent être harmonisés sur ceux des pays les plus progressistes en Europe, et les femmes qui désirent avorter doivent être prises en charge sans délai ;
- La clause de conscience spécifique des professionnelles de santé doit être supprimée de la loi ;
- Des moyens financiers doivent être donnés pour que les centres pratiquant l’avortement et les centres de planification soient accessibles sur tous les territoires ;
- La production des pilules abortives doit être garantie afin d’empêcher toute pénurie et garantir l’accès à l’IVG,
- Des campagnes d’information tous publics sont nécessaires pour pouvoir en parler librement sans tabou ni jugement ;
- Tous les moyens contraceptifs doivent faire l’objet d’un remboursement intégral, pour que toutes et tous puissent choisir celui qui leur convient ;
- Une éducation aux sexualités doit être prodiguée à toutes et à tous ;
- La formation aux techniques d’avortement et à l’accompagnement doit faire partie intégrante de la formation initiale des professionnel·les de santé de l’éducation nationale.
- Au plan international, l’avortement doit être légalisé dans tous les pays.

SUD éducation appelle à se mobiliser massivement à l’occasion de la Journée internationale pour le droit à l’avortement, le 28 septembre, et construira une mobilisation d’ampleur dans un cadre intersyndical dans ce but.

L’interruption volontaire de grossesse : un droit fondamental

TOUTES ET TOUS DANS LA RUE LE 28 SEPTEMBRE 2023 JOURNÉE INTERNATIONALE POUR LE DROIT À L’AVORTEMENT

L’interruption volontaire de grossesse : un droit fondamental