Orientation : les stéréotypes de genre accentués par la réforme du lycée

vendredi 3 novembre 2023
par  Sud éduc 34

Article de SUD éducation
Lundi 23 octobre 2023

Le rapport Béjean-Roiron-Ringard "Faire de l’égalité filles-garçons une nouvelle étape dans la mise en œuvre du lycée du XXIe siècle", qui analyse les choix de spécialités au lycée selon un prisme à la fois de classe et de genre, confirme la pérennité des choix d’orientation très genrés avant/après la réforme du lycée. On retrouve en effet les mêmes déséquilibres dans le choix des EDS (Enseignements De Spécialité) littéraires et scientifiques. Dans une note publiée en septembre 2022 le HCE écrit que « l’école est le premier lieu de cristallisation du sexisme, de fixation des rôles sociaux et des stéréotypes de sexe » et il « exhorte les pouvoirs publics à faire de l’éducation à l’égalité et au respect entre les femmes et les hommes dès le plus jeune âge, une priorité absolue. »

Il y a urgence à lutter contre les stéréotypes de genre et à rendre les spécialités et études scientifiques plus accessibles aux filles.

Les résultats scolaires interrogent :

En 3è :

résultats du brevet  : 94 % de réussite pour les filles contre 87 % pour les garçons

Orientation fin de 3è

- 71 % des filles s’orientent en filière générale et technologique et 57 % pour les garçons.
- 18 % des filles choisissent une filière professionnelle contre 24 % pour les garçons.
- 6 % des filles vont en CAP contre 11 % des garçons

En terminale

- 39,8% de filles en spécialité maths
- 13,7 % de filles en spécialité NSI (Numérique et Sciences Informatiques)
- 60,8 % de filles en spécialité sciences économiques et sociales
- 71,8 % de filles en spécialité langues, littératures et cultures étrangères et régionales

Un retour en arrière de 20 ans dans la lutte contre les inégalités filles-garçons pour les sciences : en 2021, la part des filles revient à son niveau de 2002, à moins de 45%.

Un déséquilibre jamais atteint pour les élèves scientifiques suivant plus de 6h de mathématiques par semaine. Juste avant la réforme la part des filles est de 47,5% ; en 2021, elle n’est plus que de 35,7%.

La réforme a renforcé les inégalités de genre au lycée.

Résultats au bac en 2021

Bachelier.es : 371 705 admis dont 210 053 filles contre 161 652 garçons

- 95,5 % des filles qui ont obtenu leur bac en 2021 contre 91,9 % pour les garçons
Baccalauréat technologique :136 296 admis dont 67 506 filles contre 68 790 garçons

Baccalauréat professionnel 181 020 admis dont 76 849 filles contre 104 171 garçons

Mentions au bac en 2021 :

35 % de bachelières contre 25 % de bacheliers

Dans le supérieur :

en 2021, nous avons 2 968 900 étudiant.es dont 55,6 % femmes et 44,4 % d’hommes

Les femmes (31 %) sont plus diplômées (Master, doctorat, école d’ingénieurs, école de commerce) que les hommes (22%).

Par ailleurs les filles sont sur représentées en licence (60 à 70% des effectifs), et sous représentées dans les filières sélectives type CPGE (Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles) (42%), école d’ingénieur·e (28%). Ces écarts sont à mettre en relation avec la mésestime de soi (voir paragraphe orientation) qui, par l’autocensure qu’elle induit, permet la perpétuation des rapports de pouvoir. Cette sous-représentation des filles dans ces filières sélectives n’est pas sans conséquences sur leur insertion professionnelle et sur les inégalités salariales qui perdurent entre hommes et femmes.

60% de femmes en Master, moins de 50% en doctorat, 45% MCF (Maîtresses de conférence) et 28% PU (Professeures des Universités) : où sont les femmes ?

Avec près de 60% de femmes en Licence/Master, un décrochage massif s’opère entre le Master 2 et le doctorat. La précarité salariale imposée aux doctorant·e·s est certainement le facteur principal de cette ségrégation qui s’opère alors. Pour les doctorantes, face aux difficultés de financement et aux divisions genrées du travail domestique, il faut alors mener une triple journée : ses heures d’enseignements, ses recherches et le travail domestique.

On constate que les filles obtiennent de meilleurs résultats, et pourtant dans le monde du travail, les femmes rencontrent plus de difficulté à trouver un emploi.

Les revendications de SUD éducation :

- la mise en place dans la formation initiale de modules obligatoires sur les problématiques de genre, pour les futur·es enseignant·es (selon un volume horaire identique dans toutes les INSPE), et pour toutes les autres catégories de personnel (CPE, agent·es)
- un renforcement de l’offre de formation continue sur ces questions par des formations obligatoires pour les personnels
- des formations obligatoires sur les stéréotypes de genre pour les jurys de concours

Stéréotypes de genres :

Manuels scolaires :

D’après le HCE (Haut Conseil à l’Égalité), l’école favorise les stéréotypes de genre à travers les manuels scolaires. Moins de 10 % des textes sont rédigés par des femmes et à peine 1 % des illustrations étudiées représentent des femmes « dans une fonction professionnelle au statut ou au prestige supérieur »

Les préconisations du HCE :

- Adopter un plan national d’orientation professionnelle dès le collège pour orienter les jeunes filles vers les métiers scientifiques, techniques, numériques, et d’avenir
- Inclure dans les recommandations émanant du conseil national des programmes une obligation de justes représentation et proportion de figures féminines dans les manuels, programmes scolaires et les sujets d’examen

Les femmes sont très peu présentes dans les manuels. Seulement 3,2 % des biographies des manuels d’histoire sont consacrées à des femmes. Minorées comme actrices de l’histoire, elles sont aussi minorées comme auteures de documents-sources : près de 96 % des documents présentés dans les manuels scolaires d’histoire ont pour auteur·e un homme !

Le constat dans d’autres disciplines est tout aussi édifiant : les auteures proposées à l’étude dans les manuels de français ne représentent que 5 % de l’ensemble ! De même dans les exercices de mathématiques, on relève cinq fois plus de personnages masculins que féminins.

Cette sous-représentation concerne tous les domaines : scientifique, artistique, politique. Dans les manuels d’EMC, on trouve seulement 15 % de femmes dans le domaine relevant de la politique.

Les revendications de SUD éducation :

- la production de manuels qui fassent sa place entière à l’histoire des femmes, non pas sur un strapontin dans des dossiers documentaires annexes, mais dans le corps du texte et le fil de l’histoire (documents-sources d’auteures, féminisation des textes, évocation systématique de la place des femmes, vision genrée des événements et des concepts)
- la mise en œuvre de pratiques de classe favorisant la circulation égalitaire de la parole, les pratiques collaboratives, l’apprentissage de toutes les disciplines pour toutes et tous dans une école polytechnique
- la ré-intégration du concept de genre dans les textes officiels et sa prise en compte dans des programmes élaborés par la communauté éducative.

Recommandation du ministère :

- "lutter plus précocement (dès l’école maternelle) contre les stéréotypes de genre qui découragent les filles, dédramatiser l’accès aux filières scientifiques et techniques et valoriser les rôles modèles féminins,
- fixer des objectifs chiffrés d’orientation pour concentrer les efforts sur les secteurs scientifiques où les filles sont très minoritaires (sciences de l’ingénieur, numérique et sciences informatiques, option mathématiques expertes, CPGE MPSI) et, inversement, fixer des objectifs d’orientation dans les enseignements de spécialité où les garçons sont peu représentés,
- décliner dans chaque académie, dès les prochaines semaines, cette stratégie de promotion et de revalorisation des mathématiques,
- associer les chefs d’établissement et les professeurs à cette mobilisation pour valoriser les orientations scientifiques auprès des jeunes filles".

Orientation :

les heures dédiées à l’orientation :

- 12 h en 4e
- 36 h en 3e
- 54 h en lycée général et technologique
- 265 h sur trois années en voie professionnelle sous statut scolaire

Extrait du rapport Béjean-Roiron-Ringard : "Dans l’ensemble, les filles font plus le choix d’enseignements littéraires et artistiques tandis que les garçons se tournent majoritairement vers les enseignements scientifiques. [...] Le sexe constitue un facteur déterminant dans le choix des triplettes d’enseignement de spécialité dans la voie générale en 2019 et 2020. Les filles sont surreprésentées par exemple en HLP [Humanité Littérature et Philosophie]– LLCER [Langues, Littérature et Cultures Étrangères]– SES [Sciences Économiques et Sociales], où elles représentent plus de 85 % des élèves ; à l’inverse elles ne sont qu’un peu plus de 13 % en mathématiques – NSI – physique- chimie. La proportion des filles et des garçons dans les doublettes de terminale prolonge et accentue les inégalités des choix de spécialités en 1re : par exemple, en HLP – SES ou HLP – LLCER, les filles représentent plus de 80 % des élèves ; à l’inverse, en mathématiques – physique chimie il y a 64 % de garçons, ou encore en mathématiques– NSI et mathématiques – SI, il y a à peine respectivement 10 et 13 % de filles."

On voit donc que perdure la répartition genrée "aux filles les matières littéraires, aux garçons les matières scientifiques", conséquence d’assignations et de stéréotypes de genre bien ancrés : l’expression de la sensibilité pour les enfants assignés filles, la rationalité pour les enfants assignés garçons. L’intériorisation de ces stéréotypes est perceptible par le niveau de confiance des élèves de 2de dans leur capacité de succès dans les différents EDS (Enseignements de Spécialités) : sur-confiance (55 à 60%) des garçons dans beaucoup de disciplines, en particulier scientifiques mais aussi SES et HGGSP (Histoire, Géographie et Sciences Politiques) mais moindre confiance pour les disciplines littéraires HLP et langues, et inversement peu de confiance des filles dans leurs capacités de réussite en EDS scientifiques (à part la SVT) avec 30 à 45%.

A noter que le niveau de confiance des garçons dans leurs disciplines de prédilection est plus homogène et plus élevé que celui des filles dans les leurs. On voit que l’estime de soi reste plus fragile chez les filles, signe encore que les mécanismes de domination patriarcale (ici dévalorisation et infériorisation) sont intériorisés.

Cette répartition genrée se poursuit ensuite dans le supérieur entre formations littéraires, médico-sociales pour les filles et formations scientifiques et techniques pour les garçons.

Malgré ces constats, les psy-en travaillent dans des C.I.O et ne sont présent.es en moyenne qu’une journée dans un établissement scolaire. C’est insuffisant !

Les revendications de sud éducation :

- le maintien des DRONISEP, de leurs personnels, des Psy-ÉN, DCIO au sein de l’Éducation nationale
- le maintien de tout le réseau des CIO, service public d’orientation de proximité dans l’Éducation nationale
- la mise en place de dispositifs dédiés (comme l’étaient les ABCD de l’égalité), et de séances d’orientation,permettant aux élèves de réfléchir spécifiquement aux discriminations et stéréotypes de genre, et de les déconstruire